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LIVRE IV.

foi sont grandement convoiteux sur or et argent, et il leur étoit avis que, des seigneurs que pris avoïent, ils extorqueroient grand’finance ; et les tenoient encore à plus grands seigneurs

    « Là, dit-il, il ravagea le pays des Lazes et prit Ghengherjtchinlik, et fit des incursions dans la Hongrie. Il mit le siége devant Bellegrade, ce fut l’an 793, mais il le leva après un mois d’attaque. La même année il réduisit à son obéissance Nigheboli ; de là il passa dans la Valachie. Celui qui en était gouverneur s’appelait Mirtcho ; il sortit avec une armée fort nombreuse et vint au devant du sultan Bajazet. Le combat qui se livra fut sanglant ; le carnage fut égal des deux côtés, et ainsi la victoire resta indécise. Après un jour de combat les deux armées se retirèrent. Le Grand-Seigneur fit venir devant lui Ali-Pacha, frère de Khaireddin Pacha, homme d’un grand courage qui était pour lors grand vizir et lui demanda comment pouvait s’être passé ce combat pour n’en être pas sortis victorieux. Après avoir bien conféré ensemble, Ali-Pacha trouva un stratagème qui ne contribua pas peu à faire tourner la victoire du côté des Ottomans. Il fit enlever pendant la nuit tous les corps des fidèles martyrisés et les fit jeter dans le Danube ; les infidèles furent bien surpris quand ils virent le lendemain qu’il n’y avait aucun musulman sur le champ de bataille et qu’il était jonché d’infidèles. Ce spectacle les épouvanta si fort qu’ils prirent la fuite. Bajazet, après cette expédition, passa le Danube, alla à Nigheboli, de là à Andrinople. Ce maudit Mirtcho, dont nous venons de parler, étant de retour dans son pays, convoqua tous les grands de sa cour et tint conseil avec eux : mais quoi qu’ils pussent proposer pour éviter d’être subjugués par le sultan, Mirtcho, jugeant qu’ils ne pourraient jamais tenir tête aux Musulmans, prit la résolution d’envoyer un ambassadeur à Bajazet pour lui demander la paix, moyennant un tribut qu’il lui donnerait tous les ans. Bajazet la lui accorda, puis il passa en Morée. Il resta dans un endroit appelé Caraferi, d’où il envoya son armée faire des incursions dans tous les environs, et elle en revint chargée d’un butin considérable. Bajazet, après y être resté quelque temps, prit le chemin de Constantinople pour s’en rendre maître. Comme il l’assiégeait, on lui fit savoir que le roi de Hongrie avait passé par Nigheboli et qu’il s’était emparé de la forteresse. Bajazet n’eut pas plutôt appris cette nouvelle qu’il quitta le siége de Constantinople, choisit dix mille des plus braves de son armée, avec lesquels il passa à Nigheboli et surprit les infidèles qui étaient tous assoupis ; leur frayeur fut si grande qu’ils s’entre-battirent sans aucune attention et se massacrèrent les uns les autres. Le nombre des morts fut si grand qu’on ne put le compter ; une grande partie même se noya dans le Danube, et le roi eut bien de la peine à se sauver des mains des Ottomans. Après cette expédition, Bajazet s’en retourna triomphant devant Constantinople.

    Le prince infidèle fût si épouvanté de son arrivée, que sans combattre il lui offrit mille sequins de tribut tous les ans, et assigna même un quartier pour ceux des Musulmans qui voudraient y demeurer. Il y en eut plusieurs qui s’y établirent ; ils y firent même bâtir une mosquée, choisirent parmi eux un juge pour maintenir le bon ordre, et y restèrent jusqu’au commencement de la guerre de Tamerlan contre Bajazet, époque à laquelle les infidèles abattirent leur mosquée, les chassèrent et les renvoyèrent dans la Romélie. »


    L’historien turc Saad-El-Din donne un peu plus de détails ; je le cite d’après la traduction italienne de Vincenzo Bratutti, car nous n’en avons aucune traduction française. L’ouvrage italien est intitulé : Chronica dell’ origine e progressa della casa Ottomana.

    Après avoir décrit comment Bajazet Ildérim ou la foudre s’empara de Salonique, de Lieni-Scieher (Neapoli) et de plusieurs autres villes de ce pays qui, dit le chroniqueur turc, n’étaient pas encore illuminées de l’éclat de la croyance, ni éclairées de la lumière de la foi musulmane, et comment elles devinrent l’asile de la félicité éternelle et de la grandeur de la sainte croyance, il fait partir Bajazet pour Brousse et continue ainsi :

    « Quantunque i Re e potentati grandi del mondo fin dall’antichità desiderassero e à gara procurassero di pigliare e soggiogare la città di Costantinopoli (la qual’è un compendio di bellezza, e di meraviglia del mondo ;) nulla di meno non sorti mai ad alcun principe, per potente che fosse stato, ilconquisto di quella. Onde il Rè Fulmine* acceso dal gran zelo e desiderio di soggiogarsela, vollò ogni suo studio e pensiero a quel fine, e nutri continuamente quel desiderio nel suo cuore ; ma perche quella città era rimasa nel mezzo e centra délie città fedeli, e quel principe non mostrava di voler far qualch’eccesso, ni tentar qualche hostilità, però il rè preferi al conquisto d’essa, la diffesa de’confini de’suoi stati, e lo providimento de’bisogni de’fedeli di quelle parti. Havendo dunque inteso quel gran conquistatore delle provincie e de’regni, che il rè d’Hungaria s’era sollevato contrà di lui ; però rivoltò tutti i suoi pensieri e disegni alla distruzione di lui, e l’anno 797 tragettò à Gallipoli, e si fermò per qualche giorno in Adrianopoli, aspettando che si raddunasse l’esercito insieme. Frà tanto fù pressa una spia spedita dal principe di Costantinopoli al rè d’Hungaria per avvisarlo e avvertirlo, che li stendardi regij s’erano di già inviati à quella volta ; laqual spia essendo condotta alla corte regia, e trovandosi disperata della sua liberazione, confessò tutto lo trattato ; e di più disse, che avanti d’essa, eran spedite ancora altre tre spie. Havendo dunque il rè inteso queste cose, s’accese grandemente d’ira e di sdegno, e però voltò di nuovo i suoi pensieri e disegni al conquisto di Constantinopoli ; e per tal effetto fece consiglio con li suoi consiglieri e governatori : ove ritrovato il parere di Timurtas Bassa eziandio di doversi voltare le redini militari a quella volta ; però fece voltar li stendardi vittoriosi contro Costantinopoli. Quel sviato principe inteso l’arrivo del rè, si sbigoti dalla paura, e subito spedl messi e lettere à’principi infedeli, e in particolare al rè d’Hungaria dicendogli : « Havendovi noi spedito una amichevol lettera, si per zelo della fede e religione come per interesse dello stato e commune amicizia, per darvi parte della risoluzione presa dall’imperatore Ottomano d’invadere li vostri stati : il che havend’egli risapulo c’ha assediato la città. Però non è ragione, che una città tanto

* Traduction de Il Derim, surnom de Bajazet.