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PROLOGUE.

en Escosse, en Bretagne et en autres pays, et ai eu la connoissance d’eux ; si ai toujours à mon pouvoir enquis et demandé du fait des guerres justement et des aventures qui en sont avenues, et par espécial depuis la grosse bataille de Poitiers, où le noble roi Jean de France fut pris, car devant ce j’étois encore moult jeune de sens et d’âge ; et ce nonobstant, si empris-je assez hardiment, moi issu de l’école, à rimer et à dicter les guerres dessus dites, et pour porter le livre en Angleterre tout compilé, si comme je fis ; et le présentai adonc à très haute et très noble dame madame Philippe de Hainaut[1] roine d’Angleterre, qui liement et doucement le reçut de moi et m’en fit grand profit.

Or peut-être que ce livre n’est mie examiné ni ordonné si justement que telle chose le requiert ; car faits d’armes, qui si chèrement sont comparés, doivent être donnés et loyalement départis à ceux qui par prouesse y travaillent. Donc, pour moi acquitter envers tous, ainsi que droit est, j’ai emprise cette histoire à poursuir sur l’ordonnance et fondation devant dits, à la prière et requête d’un mien cher seigneur et maître, monseigneur Robert de Namur, seigneur de Beaufort[2], qui je veux devoir amour et obéissance ; et Dieu me laist faire chose qui lui puisse plaire !

  1. Fille de Guillaume Ier, comte de Hainaut, et nièce de Jean.
  2. Issu des comtes de Flandre de la maison de Dampierre, et seigneur de Beaufort sur Meuse et de Renais. Il mourut le 18 août 1392.