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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

lonté. Si eut conseil le dit roi d’Angleterre qu’il feroit écrire unes lettres ouvertes, scellées de son scel, et apportées par deux ou par trois de ses chevaliers en Poitou et en Aquitaine, et là les publier par toutes les cités, châteaux et bonnes villes.

En ce temps fut délivré de sa prison d’Agen messire Caponnel de Caponval et échangé pour un autre chevalier du prince, qui avoit été pris en une escarmouche devant Pierregord, messire Thomas Banastre ; mais le clerc de droit qui avec lui envoyé avoit été demeura à Agen, car il mourut prisonnier, et le dessus dit messire Caponnel revint en France.

Or parlerons des lettres ouvertes que le roi d’Angleterre envoya en Aquitaine.


CHAPITRE CCCI.


Ci s’ensuit la forme des lettres que le roi d’Angleterre envoya en Aquitaine.


Édouart par la grâce de Dieu, roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine, à tous ceux qui ces présentes lettres verront ou orront : sachent tous, que nous, considérans et regardans aux besognes des mettes, marches et limitations de nostre seigneurie d’Aquitaine, ainsi comme elle s’étend de chef en chef, nous avons été présentement informés et endités d’aucunes molestes et griefs faits ou empensés à faire de par nostre très cher fils le prince de Galles ès pays dessus dits ; pourquoi nous sommes tenus, et le voulons être, de obvier et remédier à toutes choses indues et touchant haine et rancune entre nous et nos féaux amis et sujets ; si annonçons, prononçons, certifions et ratifions que nous, de mûre et bonne volonté et par grand’délibération de notre conseil à ce appelé, voulons que nostre très cher fils le prince de Galles se déporte de toutes actions faites ou à faire, et restitue à tous ceux et celles qui grévés ni pressés auroient été par lui, par ses gens ou officiers en Aquitaine, tous coûts, frais, dommages, levés ou à lever au nom des dites aides et fouages. Et si aucuns de nos féaux, sujets et amis, tant prélats comme gens d’église, universités, collèges, évêques, comtes, vicomtes, barons, chevaliers et communautés, et gens des cités et bonnes villes, se soient retournés et veulent tenir, par mauvaise information et povre avis, à l’opinion de nostre adversaire le roi de France, nous leur pardonnons ce mes-fait, si ces lettres vues ils retournent vers nous, ou un mois après. Et prions à tous nos loyaux et certains amis et féaux qu’ils se tiennent en sûr état, tant que de leurs fois et hommages ils ne soient reprochés, laquelle chose nous déplairoit grandement, et le verrions trop envis. Et si de nostre cher fils le prince ou d’aucuns de ses gens ils se plaignent qu’ils soient à présent grévés ou pressés, ou qu’ils aient été du temps passé, nous leur ferons amender tellement que par raison devra suffire, pour nourrir paix, amour, concorde et unité entrenous, nostre fils et ceux des marches et limitations dessus dites. Et pour ce qu’ils tiennent ces choses en vérité, nous voulons que chacun prenne et ait la copie de ces présentes, lesquelles nous avons solemnellement jurées à tenir et non enfreindre sur le corps Jésus-Christ, présent nostre très cher fils Jean, duc de Lancastre, Guillaume, comte de Sallebery, le comte de Warvich, le comte de Hereford, Gautier de Mauny, le baron de Percy, et celui de Neville, de Lussy et de Stamford, Richard de Pennebroch, Roger de Beauchamp, Gui de Brianne, le seigneur de Mane et celui de la Ware, Alain de Bouqueselle et Richard de Sturi, chevaliers. Donné en notre palais de Westmoutier, l’an de notre règne 44, le cinquième jour de novembre[1].


CHAPITRE CCCII.


Comment messire Louis de Saint-Julien, messire Guillaume des Bordes et Kerlouet prirent la ville et la forteresse de Chasteauleraut.


Ces lettres furent apportées par deux chevaliers de l’hôtel du roi d’Angleterre en la prinçauté et duché d’Aquitaine, et notifiées et publiées partout, et proprement les copies en-

  1. La plupart des historiens qui citent cette pièce la placent, d’après Sauvage, sous l’année 1369, sans faire attention qu’Édouard III n’étant monté sur le trône qu’en 1327, la quarante-quatrième année de son règne ne peut commencer que dans l’année 1370. Aussi trouve-t-on dans Rymer des pièces de la fin de décembre 1369 et du commencement de janvier 1370, avec la date de la quarante-troisième année du règne de ce prince. On ne peut donc se dispenser de rapporter cette pièce à l’année 1370 ; à moins qu’on ne suppose, ce qu’il faudrait prouver, que Froissart s’est trompé sur l’année du règne. Quoi qu’il en soit, il est étonnant que Rymer, qui a soin de recueillir les moindres pièces relatives à l’histoire, ait omis celle-ci.