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CHRONIQUES DE J. FROISSART.


CHAPITRE CXL.


Comment le roi d’Angleterre fit faire une commission générale, à la requête du roi de France, que tous les Anglois des forteresses de France se vidassent.


Quand cette arrière charte, qui s’appelle lettre des renonciations tant d’un roi comme de l’autre, fut écrite, grossée et scellée, on la lut et publia généralement en la chambre du conseil, présens les deux rois dessus nommés et leur conseil. Si sembla à chacun être bonne et belle, bien dictée et ordonnée ; et là de rechef jurèrent les deux rois et leurs deux ains-nés fils sur les saintes Évangiles corporellement, et sur le corps de Jesus-Christ sacré, à tenir, garder et accomplir et non enfreindre toutes les choses dessus dites. Depuis encore, par l’avis et regard du roi de France et de son conseil, et sur la fin de leur parlement, fut requis le roi d’Angleterre qu’il voulsist donner et accorder une commission générale qui s’étendît sur tous ceux qui pour le temps tenoient, en l’ombre de sa guerre, villes, châteaux ou forteresses au royaume de France, parquoi ils eussent cause, commandement et connoissance d’en vider et partir. Le roi d’Angleterre qui ne vouloit que tout bien et bonne paix nourrir entre lui et son frère le roi de France, ainsi que juré et promis l’avoit, descendit à cette requête légèrement et lui sembla de raison ; et commanda à ses gens que elle fût faite sur la meilleure forme que on pourroit, à l’entente et discrétion du roi de France son frère et de son conseil. Adonc de rechef se remirent les plus espéciaux du conseil des deux rois dessus nommés ensemble ; et là fut jetée, écrite, et puis grossée, par l’avis de l’un et de l’autre, une commission dont la teneur est telle.


CHAPITRE CXLI.


Ci s’ensuit la forme et la manière de la commission générale que fit le roi d’Angleterre, à la requête du roi de France[1].


Édouard, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine. À tous nos capitaines, gardes de bonnes villes et de châteaux, adhérens et alliés étans ès parties de France, tant en Picardie, en Bourgogne, en Anjou, en Berry, en Normandie, en Bretagne, en Auvergne, en Champagne, en Maine, en Touraine et en toutes les mettes et limitations du domaine et tenure de France, salut. Comme paix et accord soient faits entre nous, nos alliés, aidans et adhérens d’une part, et notre très cher frère le roi de France, ses alliés, et adhérens d’autres part, sur tous les débats et discords que nous avons eus du temps passé, ou pourrions avoir ensemble, et ayons juré sur le corps Jesus-Christ sacré la dite paix, et aussi notre très cher fils ains-né et autres enfans, et ceux de notre sang avec plusieurs prélats, barons, chevaliers et des plus notables de notre royaume ; et aussi ont juré notre dit frère et notre dit neveu le duc de Normandie et nos autres neveux ses enfans, et plusieurs de leur sang et autres, prélats, barons et chevaliers du dit royaume de France. Comme ainsi soit ou avienne que aucuns guerroyeurs de notre royaume et de nos sujets se pourront efforcer de faire ou d’entreprendre aucune chose contre la dite paix, en prenant ou détenant forteresses, villes, cités ou châteaux, ou faisant pillage, ou prenant gens ou arrêtant leurs corps, leurs biens ou marchandises, ou autre chose faisant contre la dite paix ; dequoi il nous déplairoit très grandement, et ne le pourrions ni voudrions passer sous ombre de dissimulation en aucune manière ; nous, voulant obvier de tout notre pouvoir ès choses dessus dites, voulons, décernons et ordonnons par délibération de notre conseil, de certaine science, que si nul de nos sujets, de quelque état ou condition qu’il soit, fasse ou s’efforce de faire contre la paix, en faisant pillages, prenant ou détenant forteresses, personnes ou biens quelconques du royaume de France ou autres de notre dit frère, de ses alliés et sujets et adhérens, ou autres quelconques fassent contre la dite paix, et il ne se délaisse, cesse et déporte de ce faire, et rende les dommages que faits aura, dedans un mois après ce qu’il aura sur ce été requis par aucuns de nos officiers, sergens, personnes publiques, que par tel fait seulement et sans autre procès, condamnation ou déclaration, ils soient dès lors tous réputés pour bannis de notre royaume et de tout notre pouvoir, et aussi du royaume et terres de notre dit frère, et tous leurs biens confisqués et obligés à nous et à notre domaine. Et si ils pouvoient être trouvés en notre royaume, nous commandons et voulons

  1. Cette pièce est dans Rymer avec quelques légères différences.