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LIVRE I. — PARTIE II.

revint le dit cardinal de Pierregort en l’ost de l’un et de l’autre, et les cuida par son prêchement accorder : mais il ne put ; et lui fut dit yreusement des François que il retournât à Poitiers, ou là où il lui plairoit, et que plus ne portât aucunes paroles de traité ni d’accord, car il lui en pourroit bien mal prendre. Le cardinal qui s’en ensonnioit en espèce de bien, ne se voult pas bouter en péril, mais prit congé du roi de France, car il vit bien qu’il se travailloit en vain ; et s’en vint au départir devers le prince et lui dit : « Beau fils, faites ce que vous pourrez ; il vous faut combattre ; ni je ne puis trouver nulle grâce d’accord ni de paix devers le roi de France. » Cette dernière parole enfélonnit et encouragea grandement le cœur du prince, et répondit : « C’est bien l’intention de nous et des nôtres, et Dieu veuille aider le droit ! »

Ainsi se partit le cardinal du prince et retourna Poitiers. En sa compagnie avoit aucuns apperts écuyers et hommes d’armes qui étoient plus favorables au roi que au prince. Quand ils virent que on se combattroit, ils se emblèrent de leur maître et se boutèrent en la route des François, et firent leur souverain du châtelain d’Amposte[1], qui étoit pour le temps de l’hôtel dudit cardinal et vaillant homme d’armes durement. Et de ce ne se aperçut point le cardinal, ni n’en sçut rien jusques à ce qu’il fût revenu à Poitiers ; car si il l’eût sçu, il ne l’eût aucunement souffert, pourtant qu’il avait été traiteur de apaiser, si il eût pu, l’une partie et l’autre.

Or parlerons un petit de l’ordonnance des Anglois, aussi bien qu’avons fait de celle des François.


CHAPITRE XXXV.


Comment le prince ordonna ses gens pour combattre ; et cy s’ensuivent les noms des vaillans seigneurs et chevaliers qui de-lez lui étoient.


L’ordonnance du prince de Galles étoit auques telle comme les quatre chevaliers de France dessus nommés rapportèrent en certaineté au roi, fors tant que depuis ils avoient ordonné aucuns apperts chevaliers pour demeurer à cheval contre la bataille des maréchaux de France ; et avoient encore, sur leur dextre côté, sur une montagne qui n’étoit pas trop roide à monter, ordonné trois cents hommes à cheval et autant d’archers tous à cheval, pour costier à la couverte toute cette montagne et venir autour sur aile férir en la bataille du duc de Normandie qui étoit en sa bataille à pied dessous celle montagne. Tout ce étoit qu’ils avoient fait de nouvel. Et se tenoit le prince et sa grosse bataille au fond de ces vignes, tous armés, leurs chevaux assez près d’eux pour tantôt monter, si il étoit besoin ; et étoient fortifiés et enclos, au plus foible lez, de leur charroy et de tout leur harnois : si ne les pouvoit-on approcher de ce côté.

Or vous vueil-je nommer des plus renommés chevaliers d’Angleterre et de Gascogne qui étoient là adonc de-lez le prince de Galles. Premièrement le comte de Warvich, le comte de Suffolch maréchal de l’ost, le comte dé Sallebrin et le comte d’Oskesufforch[2], messire Jean Chandos, messire Richard de Stanford, messire Regnault de Cobehen[3], messire Édouard seigneur Despenser, messire Jacques d’Audelée[4] et messire Pierre son frère, le seigneur de Bercler[5], le seigneur de Basset, messire Guillaume Fitz-Warine[6], le seigneur de la Ware, le seigneur de Manne, le seigneur de Villebi[7], messire Berthelemy de Bruwes[8], le seigneur de Felleton, messire Richard de Pennebruge, messire Étienne de Consenton, le seigneur de Braseton et plusieurs autres : Gascons, le seigneur de Labret, le seigneur de Pommiers, messire Helie et messire Aymon de Pommiers, le seigneur de Langueren, messire Jean de Grailly captal de Buch, messire Jean de Chaumont, le seigneur de l’Esparre, le seigneur de Mucidan, le seigneur de Curton, le seigneur de Rozem, le seigneur de Condom, le seigneur de Montferrant, le seigneur de Landuras, monseigneur le Souldich de l’Estrade[9] et aussi des autres que je ne puis mie tous nom-

  1. On trouve ce nom mentionné parmi les membres des Cortès.
  2. Oxford.
  3. Cobham.
  4. Audley.
  5. Fils de lord Maurice Berkley, mort à Calais neuf ans auparavant.
  6. John lord Warren, fils aîné de J. Plantagenet, fut comte de Warren, Strathern et Surry par sa première femme lady Maude de Hereford.
  7. Willoughby.
  8. Burghersh.
  9. Anstis parle de ce chevalier, comme membre de l’ordre de la Jarretière, dans son histoire de cet ordre. Il pense que Souldich répondait comme captal au titre de comte. Le Souldich de l’Estrade ou de la Trau, terre dans le Bazadois, était de l’ancienne maison de Preissac, plus connue aujourd’hui sous le nom d’Esclignac.