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LIVRE I. — PARTIE I.

Or vous nommerai les comtes d’Angleterre qui furent à cette fête. Premièrement messire Henry au Tort-Col[1], comte de Lancastre, messire Henry son fils comte Derby, messire Robert d’Artois comte de Richemont[2], le comte de Norhenton et de Glocestre, le comte de Warvich, le comte de Salebrin, le comte de Pennebroch, le comte de Herford, le comte d’Arondel, le comte de Cornouaille, le comte de Kenfort[3], le comte de Suffolch, le baron de Stanford, et moult d’autres barons et chevaliers que je ne puis mie tous nommer.

Ainçois que cette grand et noble fête fût départie, eut et reçut plusieurs lettres le roi Édouard, qui venoient de plusieurs seigneurs et de divers pays, de Gascogne, de Bayonne, de Bretagne, de Flandre de par Artevelle son grand ami ; et des marches d’Escosse, du seigneur de Ros et du seigneur de Percy et de messire Édouard de Bailleul, capitaine de Bervich, qui lui signifioient que les Escots tenoient assez foiblement les trêves qui accordées avoient été l’année passée entre eux et les Anglois, et faisoient une grand’assemblée et semonce ; mais ils ne savoient pour où c’étoit aller de certain. Aussi les soudoyers qu’il tenoit en Poitou, en Xaintonge, en la Rochelle et en Bourdelois lui escripsoient que les François s’appareilloient durement pour guerroyer ; car les trêves devoient faillir entre France et Angleterre, qui avoient été données à Arras après le département du siége de Tournay. Ainsi eut le roi grand mestier d’avoir bon avis et conseil, car moult de guerres lui apparoient de tous lez. Si en répondit aux dits messages bien et à point ; et vouloot brièvement, toutes autres choses mises jus, secourir et renforcer la comtesse de Montfort. Si pria son cher cousin messire Robert d’Artois qu’il prît à sa volonté de gens d’armes et d’archers, et se partît d’Angleterre, et se mît sur mer pour retourner en Bretagne avec la dite comtesse de Montfort. Ledit messire Robert lui accorda volontiers, et s’appareilla le plutôt qu’il put, et fit sa charge de gens d’armes et d’archers, et s’en vinrent assembler en la ville de Hantonne-sur-Mer ; et furent là un grand temps, ainçois qu’ils eussent vent à leur volonté. Si se partirent environ Pâques[4], et entrèrent en leurs vaisseaux et montèrent en mer. Avec messire Robert d’Artois étoient des barons d’Angleterre le comte de Salebrin, le comte de Suffolch, le comte de Pennebruich, le comte de Kenfort, le baron de Stanford, le seigneur Despensier, le seigneur de Bourchier et plusieurs autres. Or lairons un petit à parler d’eux, et parlerons du roi anglois qui fit un grand mandement parmi son royaume pour être aux Pâques en la cité de Bervich au pays de Norlhonbrelande, en intention d’aller en Escosse et tout détruire le pays. Je vous dirai par quelle raison.


CHAPITRE CXCIII.


Comment le roi d’Angleterre envoya l’évêque de Lincolle pour avoir trêves aux Escots ; mais le roi d’Escosse n’en voulut rien faire sans le congé du roi de France.


En ce temps que les parlemens étoient à Londres, des seigneurs et barons d’Angleterre dessusdits, sur l’état que vous avez ouï, conseillèrent les princes au roi en bonne foi, considérées les grosses besognes qu’il avoit à faire, qu’il envoyât l’évêque de Lincolle à son serourge le roi d’Escosse, pour accorder une trêve ferme et estable, s’il pouvoit, à durer deux ou trois ans[5]. Le roi à ce conseil s’accorda moult envis[6],

  1. En anglais, Wry-Neck.
  2. On a déjà remarqué plus d’une fois que jamais Robert d’Artois ne fut comte de Richmond. On peut d’ailleurs douter qu’il ait assisté à la fête dont il s’agit, comme on le verra ci-après quand il sera question de son départ pour la Bretagne.
  3. Les imprimés anglais disent d’Oxford.
  4. On ne saurait douter que Froissart n’ait prétendu fixer le départ de Robert d’Artois pour la Bretagne vers Pâques 1343 ; ce qui fait une double erreur et pour l’année et pour la saison. 1o Pour l’année ; car ce prince était mort avant la fin de 1342, ainsi qu’on le verra dans la suite. 2o Pour la saison, puisqu’il n’était pas encore parti le 3 juillet de cette année, date des lettres par lesquelles Édouard lui assigne des fonds pour l’entretien de 120 hommes d’armes et autant d’archers. Mais il est dit dans ces lettres que Robert était prêt à s’embarquer, et il paraît, par d’autres lettres du même Édouard aux archevêques d’Yorck et de Cantorbéry, datées du 15 d’août, qu’alors la flotte destinée pour la Bretagne était partie ; d’où l’on peut conclure, avec assez de certitude que Robert d’Artois n’assista point à la fête dont il a été parlé ci-dessus et qui dut commencer à la mi-août de cette même année.
  5. Tout ce que dit l’historien des trêves entre l’Angleterre et l’Écosse me paraît déplacé et devoir être reporté au commencement de l’année 1342, à la suite du chapitre 169 où il est question de cette trêve et des négociations, qui les précédèrent.
  6. Avec peine, invitus.