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LIVRE I. — PARTIE I.

Flamands, sans ceux d’Ypres, de Popringhe, de Cassel et de la châtellenie de Berghe, qui étoient envoyés d’autre part, ainsi que vous orrez, ci-après ; et étoit logé Jaquemart d’Artevelle à la porte Sainte-Fontaine, d’une part de l’Escaut et d’autre ; et avoient les Flamand fait un pont de nefs sur l’Escaut, pour aller et venir à leur aise. Le duc de Guerles, le marquis de Juliers, le marquis de Blankebourch, le marquis de Misse et d’Eurient, le comte de Mons, le comte de Saulmes, le sire de Fauquemont, messire Arnoul de Blankehen et tous les Allemands étoient logés d’autre part devers Hainaut, et pouvoient aller de l’un ost en l’autre. Ainsi étoit la cité de Tournay assiégée et environnée de tous lez et de tous côtés, ni nul n’en pouvoit partir, entrer ni aller, que ce ne fût par congé, et qu’il ne fût vu et aperçu de ceux de l’ost, de quelque côté que ce fût.


CHAPITRE CXXVIII.


Comment le comte de Hainaut se partit du siége de Tournay atout cinq cents lances et ardit plusieurs villages ; et comment les Flamands assaillirent ceux de Tournay.


Ce siége fait et arrêté devant la cité de Tournay, si comme vous avez ouï, dura longuement ; et étoit l’ost de ceux de dehors bien pourvu et avitaillé de tous vivres et à bon marché, par ils leur venoient de tous les côtés par terre et par yaue. Si y eut, le siège durant là environ, plusieurs belles appertises d’armes, car le comte de Hainaut, qui étoit hardi et entreprenant, avoit si pris en cœur cette guerre, combien que de premier il en fut moult froid, que c’étoit celui par qui se mettaient sus toutes les envayes et les chevauchées ; et se partit de l’ost à une matinée ; à bien cinq cents lances, et s’en vint passer dessous Lille, et ardit la bonne ville de Seclin et grand’foison de villages là environ ; et coururent ces coureurs jusques dedans les faubourgs de Lens en Artois. Tout ce fut recordé au roi Philippe son oncle, qui se tenoit à Arras ; si en fut moult courroucé, mais amender ne le put tant qu’à cette fois.

Encore après cette chevauchée en remit le dit comte une sus, et chevaucha adonc devers la bonne ville d’Orchies. Si fut prise et arse, car elle n’étoit point fermée, et Landas et La Celle[1] et plusieurs autres villages qui sont là en ce contour ; et coururent tout le pays où ils eurent très grand pillage, et puis s’en revinrent arrière au siège de Tournay

D’autre part les Flamands assailloient souvent eëux de Tournay, et avoient fait en nefs sur l’Escaut beffrois[2] et atournemens d’assauts ; et venoient heurter et escarmoucher presque tous les jours à ceux de Tournay. Si en y avoit de sevrés des uns et des autres, et se mettaient à grand’peine les Flamands de conquérir et dommager Tournay, tant avoient pris la guerre en cœur. Et on dit, et voir est, qu’il n’est si felle guerre que de voisins et d’amis.

Entre les assauts que les Flamands firent, il y en eut un qui dura un jour tout entier. Là eut mainte appertise d’armes faite ; car tous les seigneurs et les chevaliers qui en Tournay étoient furent à cet assaut ; et étoit le dit assaut en nefs et en vaisseaux à ce appareillés de long temps, pour ouvrir et rompre les barrières de la poterne de l’arche ; mais elles furent si bien défendues que les Flamands n’y conquirent rien ; ainçois perdirent une nef toute chargée de gens, dont il en eut plus de six vingts noyés, et retournèrent au soir tous lassés et travaillés.

    pardevers nos, ét de queles vous devetz avoir à taunt devers vous. Nostre entent si est, quant bon nous sembler, de voz gester hors de nostre roialme, et en profit de nostre people, et à ceo faire avoms ferme esperaunce in Jhesus-Christ, dount tout puissance nous vient.

    Que par vostre entreprise, qu’este de volonte, et nom résonnables d’estre empeschez la saint voiage d’outre meer, et graunt quantité de gentz christiens mis à mort, le service divine apetisez et sainte église en meindre reverence. Et du ceo qu’escript avoiez que vous entendez avoir l’ost des Flemings, nous quidoms estre certins que les bones gentz et les comunes du pays se porteront par tiel manere, par devers nostre cosin le count de Flaundres lor seigneur sauntz meine, et nos, lor seigneur soveraign, qu’ils garderont lor honure et lor loialie.

    Et que ceo qu’ils ont mépris jusques à cy, ceo ad a est par malvais conseil des gents, que ne regardans pas au profit commune, ne honure de pays, meas au profit de eaux taunt seulement.

    Donne sous les Campes, près de la priorie St. Andreu, soutz le seal de nostre secret en l’absence du Graunt, le 30 jour de juyl l’an de grâce 1340. (Rymer et Robert d’Avesbury.)

  1. Ce lieu est situé, ainsi que Landas, entre Orchies et Condé.
  2. Tours de bois sur lesquelles on plaçait des cloches appelées aussi beffrois.