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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

taine étoient jadis entrés en hommage des rois de France qui avoient été pour le temps. Et depuis en çà nous soyons bien informés et acertenés de la vérité, reconnaissons par ces présentes lettres, que le dit hommage que nous fîmes à Amiens au roi de France par paroles générales, fut, est, et doit être entendu lige, et que nous lui devons foi et loyauté porter, comme duc d’Aquitaine et pair de France, et comte de Ponthieu et de Monstreuil ; et lui promettons d’ores-en-avant foi et loyauté porter. Et pour ce que au temps à venir de ce ne soit jamais discord ni question à faire ledit hommage, nous promettons en bonne foi, pour nous et nos successeurs ducs d’Aquitaine qui seront pour le temps que, toutes fois que nous et nos successeurs ducs de Guyenne entrerons en l’hommage du roi de France et de ses successeurs qui seront pour le temps, le dit hommage se fera en cette manière : Le roi d’Angleterre duc de Guyenne, tiendra ses mains entre les mains du roi de France, et celui qui adressera les paroles au roi d’Angleterre duc de Guyenne, et qui parlera pour le roi de France, dira ainsi : Vous devenez homme lige au roi de France, monseigneur qui ci est, comme duc de Guyenne et pair de France, et lui promettez foi et loyauté porter ; dites : voire ! Et le dit roi d’Angleterre, duc de Guyenne, et ses successeurs diront, voire ! Et lors le roi de France recevra le dit roi d’Angleterre et duc de Guyenne au dit hommage lige à la foi et à la bouche, sauf son droit et l’autrui. De rechef, quand le dit roi d’Angleterre et duc de Guyenne entrera en hommage du dit roi de France et de ses successeurs rois de France, pour la comté de Ponthieu et de Monstreuil, il mettra ses mains entre les mains du roi de France, et celui qui parlera pour le roi de France adressera ses paroles au dit roi et duc et dira ainsi : Vous devenez homme lige au roi de France, monseigneur qui ci est, comme comte de Ponthieu et de Monstreuil, et lui promettez foi et loyauté porter ; dites, voire ! Et le dit roi et duc, comte de Ponthieu et de Monstreuil, dira, voire ! Et lors le dit roi de France recevra le dit roi et comte au dit hommage à la foi et à la bouche, fors son droit et l’autrui. Et ainsi sera fait et renouvelé toutefois que l’hommage se fera. Et de ce baillerons nous, et nos successeurs ducs de Guyenne, faits les dits hommages, lettres patentes scellées de nos grands sceaux, si le roi de France le requiert ; et avec ce nous promettons en bonne foi tenir et garder affectueusement les paix et accords faits entre les rois de France et les dits rois d’Angleterre ducs de Guyenne et leurs prédécesseurs rois de France et ducs de Guyenne. En cette manière sera fait et seront renouvelées les dites lettres pour les dits rois et ducs et leurs successeurs ducs de Guyenne et comtes de Ponthieu et de Monstreuil, toutes les fois que le roi d’Angleterre duc de Guyenne, et ses successeurs ducs de Guyenne et comtes de Ponthieu et de Monstreuil qui seront pour le temps entreront en l’hommage du roi de France et de ses successeurs rois de France. En témoin desquelles choses, à ces nôtres lettres ouvertes avons fait mettre notre grand scel. Données à Eltem le trentième jour du mois de mars, l’an de grâce mil trois cent et trente[1]. »

Ces lettres rapportèrent en France les dessus nommés seigneurs, quand ils se partirent d’Angleterre et ils eurent congé du roi ; et les baillèrent au roi de France, qui tantôt les fit porter en sa chancellerie et mettre en garde avec ses plus espéciales choses à la cautelle du temps avenir.

Nous nous souffrirons à parler du roi d’Angleterre un petit, et parlerons d’aucunes aventures qui avinrent en France.


CHAPITRE LIV.


Comment le roi de France prit en haine messire Robert d’Artois, dont il lui convint s’enfuir hors du royaume ; et comment il fit mettre sa femme et ses enfans en prison qui oncques puis n’en issirent.


L’homme du monde qui plus aida le roi Philippe à parvenir à la couronne de France et à l’hé-

  1. On lit dans Rymer : mil trois cent trente et primer (1331), et de notre règne quint. Cette différence dans les dates n’est qu’apparente : elle vient de ce que la chancellerie d’Angleterre commençait l’année au 25 mars, et que Froissart la commence à Pâques ; or Pâques arriva cette année le 31 mars ; ainsi le 30 de ce mois appartenait encore à l’année 1330, suivant sa manière de compter.

    On trouve encore dans Rymer plusieurs pièces relatives à l’affaire de l’hommage, ou qui en sont la suite, et qui annoncent le désir qu’avaient alors les deux rois de vivre en paix, en terminant amiablement toutes leurs contestations. Ils étaient à cette époque de si bonne intelligence qu’Édouard ne craignit pas de partir de Douvres le 4 avril de cette même année 1331, et de venir en France très peu accompagné, traiter directement avec Philippe. Il y fit expédier le 13 de ce mois les pièces dont on vient de parler, et repassa en Angleterre le 20.