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jusques aus nues et la teste li venist jusques au ciel, si convendroit il qu’il cheist et fondist a perte et a nient. Et vous devez savoir que d’orgueil naist moult de branches dont assez de malz viennent, et tant comme pour perdre ame et corps, honnour et avoir. Si devez garder ce que vous savez et l’onneur que vous avez sanz orgueil. Et ce que vous ne savez, requerez humblement qu’il vous soit apris. Encore vous enseignent li bon dessus dit que vous ne vous affiez trop en ce que fortune vous baille, que ce sont choses qui doivent perir, ou par perdre ou par maladie ou par force ou par mort, que la mort n’espargne nulluy, ne les haus ne les bas, mes hingale tout. Et pour ce ne se doit nulz remiser en soy, que ce n’est chose qui puisse longuement durer, mes tantost s’en peut aler et sanz nulle heure attendre. Et qui parfaitement penseroit en ce, jamés d’orgueil ne seroit souspris.

Et pour ce que l’on a parlé cy dessus des biens de fortune, et li aucun n’entendroient pas bien quelz il sont, les convient il un po plus d’esclarcir pour en avoir plus grant cognoissance et pour miex cognoistre les estaz de fortune en ce mestier. Et a ce pourroit on dire que l’en ne se doit point fïer es biens de fortune qui viennent sanz desserte, que elle est muable et doit perir. Mais se vous avez volenté de estre sages et vous y travailliez, et par vostre travaille Dieux vous fait celle grace que vous le soyez et par cela vous soiez eshauciez, ycilz biens n’est mie de fortune. Il vous doit durer, mes que vous le sachiez garder honestement en gouvernant vous premierement et autres se besoings estoit. Quar se vous estes sages, vous ne ferez fors bien et ne vous devez excuser de estre preudoms et loyaux, car c’est le plus grant bien et le plus souverain qui soit. Car il n’est mie sages qui veult, ne n’est pas preux qui veult, ne si n’est mie riches qui veult ; mais nulz ne se doit ne ne peut excuser qu’il ne soit preudoms et loyaulz qui veult. Et se vous avez renommee d’estre bons homs d’armes, et dont vous soiez enhauciez et honorez, et vous l’aiez desservi par vostre