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Poëmes tristes

Et nous lui montrerons nos poitrines sanglantes,
Nos cœurs foulés aux pieds et nos amours déçus,
Et nos lèvres d’argile encore ruisselantes
Des baisers douloureux que nous avons reçus ;

Disant : « Quoique-le sol où nous marchions sur terre
Ne fût pas parsemé de fleurs ou de rameaux,
Nous nous sommes drapés dans un silence austère,
Et nous avons souffert, sans pâlir, tous les maux.

« Seigneur, nous n’avons pas été de ceux dont l’âme,
Tiède et molle, s’affaisse en leur corps desséché,
Et tous nous avons eu dans le cœur une flamme,
Et nous avons souffert, et nous avons marché.

« Tous, nous avons aimé le Beau, le Vrai, le Juste ;
Tous, nous avons lutté, simplement, comme il faut,
Et nous avons suivi, pas à pas, l’Art auguste,
Dans la tempête et dans l’orage, le front haut !

« Si quelques-uns peut-être ont faibli, nous nous somme :
Battus pour eux, Seigneur, en leur tendant la main.
Nous voici : nous n’étions après tout que des hommes,
Et nous pouvions tomber au milieu du chemin,