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Seigneur, laissez-les vivre et laissez-les briller.
Je ne suis qu’un roseau, que le vent fait trembler
Et qui brûle rongé par les sinistres flammes,
Mais je ne ferais pas mourir toutes ces femmes
Divines en qui brille un éternel ciel bleu,
Je ne les ferais pas mourir si j’étais Dieu !
Oh ! la rendre pareille à toutes ces lumières.
Des vieux âges, sur qui ruisselaient les premières
Caresses dont les cieux fussent illuminés !
À Laïs, l’enfant forte aux désirs forcenés !
À Thamar ! À Judith, la Juive diaphane,
Qui charmait tout un monde avec son corps profane
Et qui faisait la nuit rien qu’en fermant ses yeux !
À Nicosis, la Reine amoureuse des dieux,
Qui de son trône fait d’astres et d’améthystes
Versait de la clarté sur les nations tristes !
À Tomyris, ce beau guerrier dont les pieds blancs
Ne voulaient se poser que sur des rois sanglants !
À tous ces corps divins de l’aube orientale
Qui passaient lentement dans leur pourpre fatale
Comme un immense flux et reflux de clartés !
Oh ! la rendre pareille à toutes ces beautés,
Mettre son front plus haut que tout, dans une aurore,
Pour qu’elle charme et pour qu’elle éblouisse encore
Les hommes, dans mille ans, prosternés et pieux,
Comme elle charme et comme elle éblouit mes yeux !