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Un matin l’Inconnu se leva dans l’aurore
Et, me regardant, dit avec sa voix sonore
Et douce : « Tu n’as pas suivi le vrai chemin.
Tu t’es laissé tromper par le délire humain,
Cet aveugle qui veut guider l’âme des hommes.
Là-bas, dans la forêt formidable, nous sommes
Quelques-uns qui vivons de luttes pour gagner
Les cieux étincelants. Rien ne peut éloigner
L’âme, le blanc lutteur, du ciel, la palme offerte.
Veux-tu venir là-bas sous la forêt déserte ?
Tu n’y souffriras pas les effroyables maux
Qui font les hommes vils comme les animaux
Et qui brisent le corps mortel sans hausser l’âme
Divine. Mais le feu du soleil et la flamme
Des astres guideront nuit et jour tes pensers
Vers les deux que ta vie ancienne a courroucés.
Et quand tu les auras regagnés à ta cause,
Tu les verras s’ouvrir sur toi comme une rose
Immense, les grands cieux ! et rayonnants et purs
Te verser l’éternel parfum des jours futurs.
Car, ô mon fils, la vie humaine est trop charnelle
Pour être toujours forte et pour être éternelle…
Le corps n’est rien, et l’âme est tout. Après les jours
D’ici-bas, par les uns vécus dans les amours,
Et par les autres dans la haine insatiable,
Quand le corps, étant fait de boue et périssable,