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Les Sirènes ! À droite une forêt, plus noire,
Plus triste, mais gardant au fond d’elle la gloire
Des visions que l’œil de la chair ne voit point.
Et le grand Inconnu me la montrait de loin.

J’étais jeune, j’étais lâche, j’étais sans force.
Je dirigeai mes pas à gauche où sous l’écorce
Des arbres je voyais en travers des chemins
Les Déesses d’argent qui me tendaient les mains.
Oh ! comme en peu de temps toutes choses chavirent !
Rappelle-toi, mon cœur, les peines qui suivirent
Et l’isolement noir dans lequel tu tombas.
Faut-il, Seigneur, monter si haut pour choir si bas !
La beauté de la femme est pareille à la houle
Des fleuves qui pendant des mois entiers vous roule
Doucement et de vague en vague vous conduit
Jusqu’à l’obscur et froid silence de la nuit
Où pour l’éternité des ans il faut qu’on meure.
Quand je me réveillais après la nuit, à l’heure
Où le dernier éclat des lunes disparaît,
Où l’on n’entend encor par toute la forêt
Que la voix des petits rossignols dans les branches,
Sans mouvement, couché sur ces poitrines blanches,
Je semblais un cadavre en la neige enfoncé,
Et les gens qui passaient disaient : Il est glacé.