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Je t’en supplie ! Oh ! viens, cher être bien-aimé,
T’endormir sur mon sein de vierge parfumé.
Je chanterai le jour et la nuit ; quand je chante
Dans la forêt, ma voix délicieuse enchante
Les flots et rend les vieux rocs eux-mêmes pensifs ! »
Plus loin que les glaciers monstrueux où les ifs
Dorment bercés par la souffrance et les épreuves,
On entendait la voix lamentable des fleuves
Qui désespérément montait vers les grands cieux.
Elle continuait : « Viens, ô silencieux
Amant de la tristesse et de la rêverie !
Nous n’aurons désormais qu’une même patrie,
Un asile que rien d’humain ne troublera ;
Et cet asile cher à nos cœurs, ce sera
Ma couche au fond des bois lointains silencieuse ! »
Pendant qu’elle parlait, sa tête glorieuse
Sous le rouge et mourant soleil qui l’enflammait
Se haussait vers les cieux profonds comme un sommet.
Puis, attachant son bel œil clair comme la lune
Sur toutes les splendeurs de son corps une à une :
« Vois, disait-elle, vois mes cheveux, vois mes bras,
Vois mes seins, vois mes flancs ! tu les caresseras
Pendant la belle nuit prochaine sur ma couche
Irrésistible ; et tu caresseras ma bouche
Idéale, pareille aux fleurs rouges, ô cher
Voluptueux ! et tu dormiras sur ma chair.