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réunis, je n’en trouve guère où le trouble du langage se laisse réduire uniquement et exclusivement à ce que Wundt appelle l’ « action par contact de sons ». Je trouve presque toujours, en plus de l’action par contact, une action perturbatrice ayant sa source en dehors du discours qu’on veut prononcer, et cet élément perturbateur est constitué soit par une idée unique, restée inconsciente, mais qui se manifeste par le plasus et ne peut le plus souvent être amenée à la conscience qu’à la suite d’une analyse approfondie, soit par un mobile psychique plus général qui s’oppose à tout l’ensemble du discours.

a) Amusé par la vilaine grimace que fait ma fille en mordant dans une pomme, je veux lui citer les vers suivants :

Der Affe gar possierlich ist,
Zumal wenn er vorn Apfel frisst[1].


Mais je commence : Der Apfe… Cela apparaît comme une contamination entre Affje et Apfel (formation de compromis) ou peut aussi être considéré comme une anticipation du mot Apfel qui doit venir l’instant d’après. Mais la situation exacte serait plutôt la suivante : J’avais déjà commencé une première fois cette citation, sans commettre de lapsus. Je n’ai commis le lapsus qu’en recommençant la citation, et j’ai été obligé de recommencer, parce que ma fille à laquelle je m’adressais, occupée par autre chose, ne m’avait pas entendu. Cette répétition, ainsi que l’impatience que j’éprouvais d’en finir avec ma citation, doivent certainement être rangées parmi les causes de mon lapsus, qui se présente comme un lapsus par condensation.

b) Ma fille dit : je veux écrire à Madame Schresinger (ich schreibe der Frau Schresinger). Or, la dame en question s’appelle Shlesinger. Ce lapsus tient certainement à la tendance que nous avons à faciliter

  1. Rien de plus comique qu’un singe qui mange une pomme.