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à publier que sous une forme abrégée, dans la revue rédigée par lui, un des travaux de Z., dont il ne partageait pas toutes les idées, et que Z. en a été désagréablement affecté. (J’apprends d’ailleurs ultérieurement que Z. avait autrefois ambitionné de devenir professeur de la même spécialité qu’enseigne aujourd’hui le professeur Erdmann; il est donc possible que sous ce rapport encore le nom Erdmann touche à une corde sensible.)

« Et voilà qu’il se rappelle subitement le nom de l’étudiant inintelligent : Lindeman ! Comme il s’était déjà rappelé antérieurement que le nom se terminait par ...man, le mot Linde a donc subi un refoulement plus prolongé. Prié de dire ce qui lui vient à l’esprit à propos de Linde, il répond d’abord : « rien ». Sur mon insistance et comme je lui dis qu’il n’est pas possible qu’il ne pense à rien à propos de ce mot, il me dit, en levant les yeux et en dessinant avec le bras un geste dans le vide : « Eh bien, un tilleul (Linde – tilleul) est un bel arbre. » C’est tout ce qu’il trouve à dire. Tout le monde se tait, chacun poursuit sa lecture ou une autre occupation, lorsqu’on entend quelques instants après Z. réciter d’un ton rêveur :

« Steht er mit festen
Gefügigen Knochen
Auf der Erde,
So reicht er nicht auf,
Nur mit der Linde
Oder der Rebe
Sich zu vergleichen. »

(Lorsqu’il se tient sur la terre avec ses jambes solides et souples, il n’arrive pas à se comparer au tilleul ou à la vigne).

Je poussai un cri de triomphe : — Nous le tenons enfin, votre Erdmann, dis-je : cet homme qui « se tient sur la terre », donc cet homme de la terre (Erdemann ou Erdmann), ne peut réussir à se comparer au tilleul (Linde), donc à Lindeman ou à la vigne (Rebe), donc au marchand de vins (Weinhändler). En d’autres termes : ce Lindeman, l’étudiant inintelli-