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sentiment d’ambition et de jalousie et utilisant le double sens du mot Beförderung (moyen de transport, avancement) pour se rattacher aux choses indifférentes et anodines qui faisaient l’objet de la lecture. Dans le cas Burckhard, c’est le nom lui-même qui résulte d’une pareille substitution de sens.

Il est incontestable que les troubles de parole se produisent plus facilement et exigent l’intervention de forces perturbatrices dans une mesure moindre que les troubles des autres fonctions psychiques.

On se trouve placé sur un terrain différent, lorsqu’on analyse les oublis au sens propre du mot, c’est-à-dire les oublis portant sur des événements passés (on pourrait, à la rigueur, ranger à part l’oubli de noms propres et de mots étrangers, sous la rubrique d’ « insuffisances momentanées de la mémoire », et l’oubli de projets, sous la rubrique d’ « omissions » ). Les conditions fondamentales du processus normal qui aboutit à l’oubli sont inconnues[1]. Il est bon qu’on sache aussi que

  1. En ce qui concerne le mécanisme de l’oubli proprement dit, je puis donner les indications suivantes : les matériaux de nos souvenirs sont sujets, d’une façon générale, à deux influences : la condensation et la déformation. La déformation est l’œuvre des tendances qui règnent dans la vie psychique et elle frappe surtout les traces de souvenirs ayant conservé une force effective et qui, pour cette raison, résistent davantage à la condensation. Les traces devenues indifférentes succombent à la condensation, sans manifester aucune résistance ; mais dans certains cas la déformation frappe également les matériaux indifférents qui n’ont pas reçu satisfaction au moment où ils se sont manifestés. Comme ces processus de condensation et de déformation s’étendent sur une longue durée, pendant laquelle tous les nouveaux événements contribuent à la transformation du contenu de la mémoire, nous croyons généralement que c’est le temps qui rend les souvenirs incertains et vagues. Il est plus que probable que le temps comme tel ne joue aucun rôle dans l’oubli. En analysant les traces de souvenirs refoulées, on peut constater que la durée ne leur imprime aucun changement. L’inconscient se trouve, d’une façon générale, en dehors du temps. Le caractère le plus important et le plus étrange de la fixation psychique consiste en ce que les impressions subsistent non seulement telles qu’elles ont été reçues, quant à leur nature, mais aussi en maintenant toutes les formes qu’elles ont revêtues au cours de leur développement ultérieur : particularité qui ne se laisse expliquer par aucune comparaison avec ce qui se passe dans les autres sphères de la vie. C’est ainsi que, d’après la théorie, tout état