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la possibilité de découvrir cette preuve. Nous connaissons deux domaines présentant des phénomènes qui semblent correspondre à une connaissance inconsciente et, par conséquent, refoulée, de cette motivation.

a) Les paranoïaques présentent dans leur attitude ce trait frappant et généralement connu, qu’ils attachent la plus grande importance aux détails les plus insignifiants, échappant généralement aux hommes sains, qu’ils observent dans la conduite des autres ; ils interprètent ces détails et en tirent des conclusions d’une vaste portée. Le dernier paranoïaque, par exemple, que j’ai vu, a conclu à l’existence d’un complot dans son entourage, parce que lors de son départ de la gare des gens ont fait de la main un certain mouvement. Un autre a noté la manière dont les gens marchent dans la rue, font le moulinet avec leur canne, etc.[1].

Alors que l’homme normal admet une catégorie d’actes accidentels, n’ayant pas besoin de motivation, catégorie dans laquelle il range une partie de ses propres manifestations psychiques et actes manqués, le paranoïaque refuse aux manifestations psychiques des autres tout élément accidentel. Tout ce qu’il observe sur les autres est significatif, donc susceptible d’interprétation. D’où lui vient cette manière de voir ? Ici, comme dans beaucoup d’autres cas analogues, il projette probablement dans la vie psychique d’autrui ce qui existe dans sa propre vie à l’état inconscient. Tant de choses se pressent dans la conscience du paranoïaque qui, chez l’homme normal et chez le névrotique, n’existent que dans l’inconscient où leur présence est révélée par la psychanalyse[2] ! Sur ce point,

  1. Se plaçant à d’autres points de vue, on a donné le nom de « manie des rapports » à cette interprétation de manifestations insignifiantes et accidentelles.
  2. Les inventions (que l’analyse rend conscientes) des hystériques concernant des méfaits sexuels et horribles coïncident, par exemple,