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me rendre compte de l’endroit exact où nous étions par rapport à la station-frontière et je constatai que nous traversions le pont de la Bidassoa. Et voilà que les mêmes vers me revinrent à la mémoire, sans que je pusse encore me rappeler à quelle poésie je les avais empruntés.

Quelques mois plus tard, je tombe par hasard sur les poésies d’Uhland. J’ouvre le volume, et les premiers vers qui se présentent à ma vue sont ceux-ci : « Aber frei ist schon die Seele, schwebet in dem Meer von Licht », par lesquels se termine une poésie intitulée : Der Waller. Je relis la poésie et me souviens vaguement l’avoir autrefois apprise par cœur. L’action se passe en Espagne : c’est là, me semble-t-il, le seul rapport qui existe entre les vers cités et l’endroit où ils me sont revenus à la mémoire. Peu satisfait de ma découverte, je continue de feuilleter machinalement le livre. Les vers en question occupaient le bas d’une page. En retournant cette page, je tombe sur une poésie intitulée : Le pont de la Bidassoa.

J’ajouterai que cette dernière poésie m’était encore moins connue que la première et qu’elle commençait par ces vers : « Auf der Bidassoabrücke steht ein Heiliger altersgrau, segnet rechts die span’schen Berge, segnet links die frank’schen Gau[1]. »

II. Cette manière de voir concernant le déterminisme de noms et de nombres, choisis avec toutes les apparences de l’arbitraire, est peut-être de nature à contribuer à l’élucidation d’un autre problème. On sait que beaucoup de personnes invoquent, à l’encontre d’un déterminisme psychique absolu, leur conviction intime de l’existence d’un libre arbitre. Cette conviction refuse de s’incliner devant la croyance au déterminisme. Comme tous les sentiments normaux, elle doit être justifiée par certaines raisons. Je crois cependant

  1. « Sur le pont de la Bidassoa se tient un saint, vieux comme le monde : de la main droite il bénit les montagnes d’Espagne, de la gauche le pays des Francs. »