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d’une manière en apparence arbitraire. En réalité, la femme a très bien saisi le complexe dont faisait partie le nombre énoncé par son mari, et elle a choisi son propre nombre dans le même complexe, qui était certainement commun aux deux sujets, puisqu’il s’agissait de leurs âges respectifs. Il nous est donc facile de saisir la signification du nombre qui était venu à l’esprit du mari. Ainsi que le dit M. Adler lui-même, ce nombre exprime un désir refoulé du moi, et qui peut être traduit ainsi : « À un homme de 34 ans, comme moi, il faut une femme de 17 ans. »

Pour qu’on ne juge pas trop légèrement ces « jeux », j’ajouterai un détail dont le Dr Adler m’a fait part récemment : une année après la publication de cette analyse, le couple avait divorcé[1].

M. Adler explique d’une façon analogue la production de nombres obsédants. Le choix de nombres dits « favoris » n’est pas sans rapport avec la vie de la personne intéressée et n’est pas dépourvu d’intérêt psychologique. Un monsieur, qui a une préférence particulière pour les nombres 17 et 19, se rappelle, après quelques instants de réflexion, qu’à 17 ans il a conquis la liberté académique, en devenant étudiant, et qu’à 19 ans il a fait son premier grand voyage et, bientôt après, sa première découverte scientifique. Mais la fixation de cette préférence ne s’est effectuée que deux lustres plus tard, lorsque les mêmes nombres eurent acquis une certaine importance pour sa vie amoureuse. L’analyse découvre un sens inattendu même aux nombres qu’on a l’habitude d’employer, dans certaines occasions, d’une manière qui paraît tout à fait arbitraire. C’est ainsi qu’un de mes malades

  1. A propos de Macbeth, figurant sous le No 17 dans la Bibliothèque Universelle de Reclam, M. Adler me communique que son sujet avait adhéré, à l’âge de 17 ans, à une association anarchiste ayant pour but le régicide. C’est pourquoi il avait oublié le contenu de « Macbeth » >. Vers la même époque, il inventa un alphabet chiffré, dans lequel les lettres étaient remplacées par des nombres.