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sérieusement et entend au bout de quelque temps l’horloge de la tour du musée sonner un certain nombre de coups. Elle se dit : « Il doit être midi », continue son travail et entend l’horloge sonner le quart : « Il est midi un quart »,pense-t-elle. Elle ramasse toutes ses affaires et se décide à se rendre chez sa sœur, à travers le «Vondelpark ».pour le café (deuxième repas en Hollande). Arrivée devant le Suasso-Museum, elle constate, toute étonnée, qu’il n’est que midi, alors qu’elle croyait qu’il était déjà midi et demie. Le beau temps a été plus fort que son zèle; aussi n’a-t-elle pas pensé, lorsque l’horloge sonnait onze heures et demie, qu’une horloge de tour annonce l’heure entière dès la demi-heure qui la précède. »

Ainsi que le montrent quelques-unes des observations qui précèdent, une tendance perturbatrice inconsciente peut atteindre son but par la répétition obstinée du même acte manqué. J’emprunte un exemple amusant d’une répétition de ce genre à un petit livre intitulé Frank Wedekind et le théâtre, paru à la maison d’édition « Drei-Masken Verlag », de Munich. Je laisse toutefois à l’auteur du livre la responsabilité de l’histoire qu’il raconte à la manière de Marc Twain.

« Dans la partie la plus intéressante de la pièce de Wedekind, La Censure, figure la phrase suivante : « La crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler) ». L’auteur, qui tenait beaucoup à ce passage, pria l’acteur, lors de la répétition, de faire une petite pause, avant de prononcer le mot Denkfehler. Le soir, l’acteur, tout à fait familiarisé avec son rôle, observe la pause indiquée, mais dit à son insu et sur le ton le plus solennel : « La crainte de la mort est... une faute d’impression (Druckfehler). » La représentation terminée, l’auteur assure l’acteur qu’il n’a rien à lui reprocher, mais lui rappelle que « la crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler) », et non une « faute d’impression (Druckfehler) ».