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« Non, répondis-je, cette dernière anecdote se rattache à l’histoire grecque. » Et je lui racontai ce dont il s’agissait : le roi Tarquin le Superbe avait ordonné à son fils de s’introduire dans une cité latine ennemie ; le fils, qui avait réussi à se créer des intelligences dans la ville, envoya au roi un messager chargé de lui demander ce qu’il devait faire ensuite ; le roi ne donna aucune réponse, mais s’étant rendu dans son jardin, se fit répéter la question et abattit sans mot dire les plus grandes et les plus belles têtes de pavots. Il ne resta au messager qu’à aller raconter à Sextus ce qu’il avait vu ; Sextus comprit et veilla à supprimer par l’assassinat les citoyens les plus notables de la ville.

Pendant que je parlais, le garçon avait cessé de pétrir sa mie, et lorsque je fus arrivé au passage racontant ce que le roi fit dans son jardin, et notamment aux mots : « abattit sans mot dire », mon malade abattit, à son tour, la tête de son bonhomme avec la rapidité d’un éclair. Il m’avait donc compris et remarqué que je le comprenais moi aussi. Je pus commencer à l’interroger directement et lui donnai les renseignements qui l’intéressaient et au bout de peu de temps il fut guéri de sa névrose.

Les actes symptomatiques, dont on trouve une variété inépuisable aussi bien chez l’homme sain que chez l’homme malade, méritent notre intérêt pour plus d’une raison. Ils fournissent au médecin des indications précieuses qui lui permettent de s’orienter au milieu de circonstances nouvelles ou encore peu connues ; elles révèlent à l’observateur profane tout ce qu’il désire savoir, et quelquefois même plus qu’il ne désire. Celui qui sait utiliser ces indications doit à l’occasion procéder comme le faisait le roi Salomon qui, d’après la légende, comprenait le langage des animaux. Un jour, je fus prié de venir examiner un jeune homme qui se trouvait chez sa mère. La première chose qui me frappa lorsqu’il vint au-devant de moi, ce fut une grande tache blanche sur