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Je citerai cependant un seul exemple, fait pour montrer à quel point une action symbolique, devenue une habitude, peut se rattacher à ce qu’il y a de plus intime et de plus important dans la vie[1].

« D’après ce que nous a enseigné le professeur Freud, le symbolisme joue dans la vie infantile de l’homme un rôle beaucoup plus important qu’on ne le croyait, d’après les expériences psychanalytiques les plus anciennes. Sous ce rapport, il n’est pas sans intérêt de rapporter l’analyse suivante, surtout à cause des perspectives médicales qu’elle laisse entrevoir.

« En installant son mobilier dans un nouvel appartement, un médecin retrouve un stéthoscope « simple » en bois. Après avoir cherché pendant un instant la place où il va le déposer, il se sent comme poussé à le placer sur son bureau, entre son propre siège et celui sur lequel il a l’habitude de faire asseoir ses malades. Cette action était quelque peu bizarre pour deux raisons. En premier lieu, ce médecin (qui est névrologiste) se sert rarement du stéthoscope, et dans les rares cas où il a besoin de cet appareil, il se sert d’un stéthoscope double (pour les deux oreilles). En deuxième lieu, il gardait tous ses appareils et instruments médicaux dans des tiroirs ; celui-ci s’est donc vu accorder un traitement de faveur. Quelques jours après, il ne pensait plus à la chose, lorsqu’une malade, venue en consultation et qui n’avait jamais vu un stéthoscope « simple », lui demanda ce que c’était. Ayant reçu l’explication, elle demanda encore pourquoi l’instrument était posé là et pas ailleurs, à quoi il répondit assez vivement que cette place en valait bien une autre. Ces questions ne l’en frappèrent pas moins, et il commença à se demander si son action ne lui avait pas été dictée par des motifs inconscients.

  1. « Beitrag zur Symbolik des Alltags », par Ernst Jones. Traduit de l’anglais par Otto Rank (Vienne). Zentralbl. f. Psychoanałyse, I, 3, 1911.