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deviner son intention, ce tas de pierres qui lui semblait se prêter on ne peut mieux au but qu’elle se proposait. C’est ce qui explique qu’elle n’ait pas songé à étendre ses bras pendant la chute et que l’accident lui-même ne l’ait pas impressionnée outre mesure. On peut voir une autre cause, peut-être moins importante, de son accident, dans la recherche d’un châtiment pour son désir inconscient de voir disparaître son mari qui n’était d’ailleurs que complice dans l’affaire de l’avortement. Ce désir s’est exprimé dans la recommandation qu’elle lui faisait de traverser la rue avec prudence, recommandation complètement inutile, étant donné que le mari, à cause précisément de la faiblesse de ses jambes, marchait avec les plus grandes précautions[1]. »

En examinant de près les circonstances dans lesquelles s’est produit le cas suivant, on sera fort porté à donner raison à M. J. Stärke (l. c.) qui voit un « sacrifice » dans la mutilation en apparence accidentelle par la brûlure.

« Une dame, dont le gendre devait partir pour l’Allemagne où il était appelé par son service militaire, se brûla le pied dans les circonstances suivantes : Sa fille était sur le point d’accoucher, et les préoccupations causées par les dangers de guerre n’étaient pas de nature à faire régner la gaieté dans la maison. La veille du départ de son gendre, elle invita celui-ci et sa fille à dîner. Elle se rendit à la cuisine pour préparer le repas, après avoir mis, chose qui ne lui arrivait jamais, à la place de ses brodequins à semelles dans lesquels elle se sentait très à l’aise et qu’elle avait l’habitude de porter à la maison, les grandes pantoufles,

  1. Un correspondant écrit sur cette question du « châtiment qu’on s’inflige soi-même à l’aide d’un acte manqué » : lorsqu’on observe la manière dont les gens se comportent dans la rue, on constate la fréquence avec laquelle de petits accidents arrivent aux hommes qui, selon la coutume, se retournent pour regarder les femmes. Tel fait un faux pas en terrain plat, tel autre se cogne contre une lanterne, tel autre se blesse d’une autre manière quelconque.