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plus tôt fait cette constatation que les deux ou trois plus gros morceaux lui glissèrent des mains, retombèrent à terre et se trouvèrent réduits en poussière, ce qui lui enleva tout espoir de faire reconstituer le vase.

« Sans doute, cet acte manqué avait pour tendance actuelle de faciliter au médecin le recouvrement de son dû, puisqu’il supprimait ce qu’il s’était approprié et ce qui l’empêchait dans une certaine mesure de réclamer les honoraires contestés.

« Mais, en plus de ce déterminisme direct, l’acte manqué dont nous nous occupons en présente encore un autre, beaucoup plus profond et important aux yeux du psychanalyste. Il présente notamment aussi un déterminisme symbolique, étant donné que le vase constitue un symbole incontestable de la femme.

« Le héros de cette petite histoire avait été marié ; et sa femme, jeune, jolie et qu’il adorait, était morte dans des circonstances tragiques. A la suite de ce malheur, il tomba dans un état de profonde neurasthénie, aggravée par ce fait qu’il se considérait comme coupable de la mort de sa femme (j’ai brisé un joli vase).

« A partir de ce moment, il se tint à l’écart des femmes, ne voulut entendre parler ni de remariage ni d’aventures amoureuses que son inconscient lui faisait apparaître comme des actes d’infidélité à l’égard de celle qu’il avait tant aimée, mais que son conscient refusait, en alléguant qu’il portait malheur aux femmes, qu’il ne voulait pas qu’une autre femme se suicidât à cause de lui, etc. (On voit qu’il ne devait pas conserver longtemps le vase !)

« Étant donnée, cependant, l’intensité de sa libido, il n’y a rien d’étonnant s’il voyait dans les relations avec des femmes mariées le moyen le plus adéquat, parce que nécessairement passager, de satisfaire cette libido (d’où appropriation du vase appartenant à une autre personne).

« Les deux faits suivants apportent une intéres-