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On trouvera peut-être qu’à force de citer des exemples de ce genre, j’ai fini par tomber dans la banalité. Mais mon but était précisément d’attirer l’attention sur des choses que tout le monde connaît et comprend de la même manière, autrement dit de réunir des faits de tous les jours et de les soumettre à une élaboration scientifique. Je ne vois pas pourquoi on refuserait à cette sorte de sagesse, qui est la cristallisation des expériences de la vie journalière, une place parmi les acquisitions de la science. Ce qui constitue le caractère essentiel du travail scientifique, ce n’est pas la nature des faits sur lesquels il porte, mais la rigueur de la méthode qui préside à la constatation de ces faits et la recherche d’une synthèse aussi vaste que possible.

En ce qui concerne les projets de quelque importance, nous avons trouvé en général qu’ils sont oubliés, lorsqu’ils sont contrariés par des motifs obscurs. Dans les projets de moindre importance, l’oubli peut encore être amené par un autre mécanisme, le projet subissant

    commettent facilement des fautes de calcul, sont sujets à des défauts de mémoire et, sans s’en apercevoir, se rendent coupables de petites tricheries. Ce n’est pas en cela que consiste l’action psychiquement réconfortante du jeu. L’aphorisme d’après lequel le véritable caractère de l’homme se manifesterait dans le jeu est exact, à la condition d’admettre qu’il s’agit du caractère réprimé. — S’il est vrai qu’il y a encore des garçons de café et de restaurant capables de commettre des erreurs de calcul involontaires, ces erreurs comportent évidemment la même explication. — Chez les commerçants on peut souvent observer une certaine hésitation à effectuer des paiements : il ne faut pas voir là une preuve de mauvaise volonté, l’expression du désir de s’enrichir indûment, mais seulement l’expression psychologique d’une résistance qu’on éprouve toujours au moment de se défaire de son argent. — Brill remarque à ce sujet avec une acuité épigrammatique : « nous égarons plus facilement des lettres contenant des factures que des lettres contenant des chèques. » Si les femmes se montrent particulièrement peu disposées à payer leur médecin, cela tient à des mobiles très intimes et encore très peu élucidés. Généralement, elles ont oublié leur porte-monnaie, ce qui les met dans l’impossibilité d’acquitter les honoraires séance tenante ; puis elles oublient, non moins généralement, d’envoyer les honoraires, une fois rentrées chez elles, et il se trouve finalement qu’on les a reçues pour leurs beaux yeux », gratis pro Deo. On dirait qu’elles vous paient avec leur sourire.