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entre les deux attitudes à des conditions purement psychologiques et de voir dans les deux modes de réaction l’expression d’un seul et même motif. De tous les nombreux exemples de négation de souvenirs désagréables, que j’ai eu l’occasion d’observer dans l’entourage de malades, il en est un dont je me souviens d’une façon toute particulière. Une mère me renseigne sur l’enfance de son fils adolescent, atteint d’une maladie nerveuse, et me raconte à ce propos que lui et ses frères et sœurs ont, jusqu’à un âge relativement avancé, présenté de l’incontinence nocturne, ce qui n’est pas sans importance comme antécédent dans une maladie nerveuse. Quelques semaines plus tard, lorsqu’elle est venue me demander des renseignements sur la marche du traitement, j’ai profité de l’occasion pour attirer son attention sur les signes d’une prédisposition constitutionnelle morbide qui existaient chez le jeune homme et j’ai invoqué à ce propos l’incontinence nocturne dont elle m’avait elle-même parlé précédemment. À mon grand étonnement,

    d’autres cas d’affections pulmonaires dans la famille de ma femme. Celle-ci répondit négativement et, quant à moi, je ne me souvenais de rien de pareil. Au moment où le Dr P. allait prendre congé, la conversation tomba comme par hasard sur les excursions, et à cette occasion ma femme dit : « Même pour aller à Langersdorf, où est enterré mon pauvre frère, le voyage est trop long. » Ce frère est mort, il y a une quinzaine d’années, à la suite de multiples lésions tuberculeuses. Ma femme l’aimait beaucoup et m’a souvent parlé de lui. Je me suis même rappelé qu’à l’époque où fut établi le diagnostic de pleurésie, ma femme était très préoccupée et disait tristement : « Mon frère est mort, lui aussi, d’une maladie des poumons. » Or, le souvenir de cette maladie du frère était tellement refoulé chez elle que même après avoir émis son avis sur une excursion à L., elle ne trouva pas l’occasion de corriger les renseignements qu’elle avait donnés précédemment sur les antécédents morbides de sa famille. J’ai moi-même de nouveau succombé à cet oubli, au moment où elle parlait de Langersdorf. — Dans son travail déjà mentionné, à plusieurs reprises, M. E. Jones raconte un cas tout à fait analogue : Un médecin dont la femme était atteinte d’une affection abdominale, d’un diagnostic incertain, lui dit un jour à titre de consolation : « Quel bonheur du moins qu’il n’y ait pas eu de cas de tuberculose dans ta famille. » À quoi la femme répond, très surprise : « As-tu donc oublié que ma mère est morte de tuberculose, que ma sœur ne s’est rétablie de sa tuberculose que pour être de nouveau abandonnée des médecins ? »