Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’ai pu me rappeler que tout s’est passé exactement comme l’avait dit mon ami ; je sais même ma propre réponse d’alors : « Je n’en suis pas encore là et ne veux pas discuter cette question. » Je suis depuis cette époque devenu plus tolérant, lorsque je trouve exprimée dans la littérature médicale une des idées auxquelles on peut rattacher mon nom, sans que celui-ci soit mentionné par l’auteur.

Reproches à l’adresse de sa femme ; amitié se transformant en son contraire ; erreur de diagnostic ; élimination par des concurrents ; appropriation d’idées d’autrui : ce n’est pas par hasard que dans tout un groupe d’exemples d’oubli, réunis sans choix, on est obligé de remonter, si l’on veut en trouver l’explication, à des mobiles et sujets souvent si pénibles. Je pense plutôt que tous ceux qui voudront chercher les motifs de tel ou tel de leurs oublis seront obligés de s’arrêter en fin de compte à des explications du même genre, c’est-à-dire tout aussi désagréables. La tendance à oublier ce qui est pénible et désagréable me semble tout à fait générale, bien que la faculté de l’oubli soit plus ou moins bien développée selon les personnes. Plus d’une de ces négations auxquelles nous nous heurtons dans notre pratique médicale ne constitue probablement qu’un simple oubli[1]. Notre conception des oublis de ce genre nous permet de réduire la différence

  1. Lorsqu’on demande à quelqu’un s’il n’a pas eu la syphilis dix ou quinze ans auparavant, on oublie facilement qu’au point de vue psychique ce quelqu’un envisage la syphilis tout autrement que, par exemple, une crise de rhumatisme aigu. – Dans les renseignements fournis par les mères concernant les antécédents de leurs filles atteintes de névrose, il est difficile de faire avec certitude la part de l’oubli et celle de l’insincérité, car les parents écartent ou refoulent systématiquement tout ce qui peut servir d’obstacle éventuel au futur mariage de la jeune fille. — Un homme qui vient de perdre, à la suite d’une affection pulmonaire, sa femme qu’il aimait beaucoup, me communique le cas suivant de faux renseignements fournis au médecin, sans qu’on puisse expliquer le mensonge commis envers ce dernier autrement que par l’oubli : « La pleurésie de ma femme n’ayant subi aucune amélioration depuis plusieurs semaines, le Dr P. a été appelé en consultation. En interrogeant sur les antécédents, il posa les questions habituelles, entre autres celle de savoir s’il y avait eu