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tention de commander un des livres qui y figurait. Ce livre avait pour titre : « Du langage », et son auteur est un de ceux dont j’aime le style spirituel et vivant, dont j’apprécie les idées sur la psychologie et les connaissances sur l’histoire de la civilisation. J’incline à penser que c’est précisément là une des causes pour lesquelles je ne peux pas retrouver le catalogue. J’avais en effet l’habitude de prêter à mes amis et connaissances les livres de cet auteur, et il y a quelques jours une personne me dit en me rendant un de ces livres que lui avais prêté : « Le style ressemble tout à fait au vôtre, et la manière de penser aussi. » Celui qui me disait cela ne se doutait pas à quelle corde il touchait. Il y a de nombreuses années de cela, alors que j’étais encore jeune et avais besoin d’appuis, un de mes collègues âgés auquel je faisais les éloges d’un auteur-médecin bien connu, m’a répondu à peu près dans les mêmes termes : « Il a tout à fait votre style et votre manière. » Encouragé par cette remarque, j’ai écrit à l’auteur en question que je serais heureux de nouer avec lui des relations suivies, mais la réponse que j’ai reçue était plutôt froide. Il est possible que derrière ce souvenir s’en cachent d’autres, tout aussi décourageants ; quoi qu’il en soit, il m’a été impossible de retrouver le catalogue, et cette impossibilité a pris à mes yeux la valeur d’un présage, puisque j’ai pris le parti de ne pas commander le livre, alors que la disparition du catalogue n’était pas un obstacle insurmontable à ce que je fisse cette commande, d’autant moins insurmontable que j’avais dans ma mémoire et le titre du livre et le nom de l’auteur[1].

e) Un autre cas de ce genre mérite tout notre intérêt, à cause des conditions dans lesquelles l’objet a été retrouvé. Un homme encore jeune me raconte : « Il y a quelques années, des malentendus se sont élevés

  1. Je proposerais la même explication pour un grand nombre de ces faits accidentels auxquels Th. Vischer a donné le nom de « malices des choses ».