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rable finesse psychologique, la laisse se révéler dans le lapsus et sait par cet artifice calmer l’intolérable incertitude de l’amant, ainsi que l’angoisse également intense des spectateurs quant à l’issue du choix. »

Vu l’intérêt que présente cette adhésion anticipée de grands poètes à notre manière d’envisager le lapsus, je crois opportun de citer, d’après M. E. Jones[1], un troisième exemple de ce genre :

« Dans un article récemment publié, Otto Rank[2] attire l’attention sur un joli exemple dans lequel Shakespeare fait commettre à un de ses personnages, Portia, un lapsus par lequel elle révèle sa pensée secrète à un auditeur attentif. Je me propose de rapporter un exemple analogue, emprunté à l’un des chefs-d’œuvre du romancier anglais George Meredith, intitulé The Egoist. Voici, brièvement résumée, l’action du roman : Sir Willoughby Patterne, un aristocrate très admiré par ses pairs, devient le fiancé d’une Miss Konstantia Durham. Elle découvre chez lui un égoïsme extraordinaire qu’il a cependant toujours réussi à dissimuler devant le monde et, pour échapper au mariage, elle se sauve avec un capitaine nommé Oxford. Quelques années plus tard, le même aristocrate devient le fiancé de Miss Klara Middleton. La plus grande partie du livre est consacrée à la description détaillée du conflit qui surgit dans l’âme de Miss Klara Middleton, lorsqu’elle découvre dans le caractère de son fiancé le même trait dominant. Des circonstances extérieures et le sentiment d’honneur l’enchaînent à la parole donnée, pendant que le fiancé lui inspire un mépris de plus en plus profond. Elle se confie en partie à Vernon Whitford (qu’elle finira d’ailleurs par épouser), cousin et secrétaire de son fiancé. Mais celui-ci, par loyauté à l’égard de Patterne et pour d’autres raisons, se tient sur la réserve.

  1. « Ein Beispiel von litterarischer Verwertung des Versprechens », Zentralbl. f. Psychoanal., I, 10.
  2. Zentralbl. f. Psychoanal., I, 3, p. 109.