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Ce n’est qu’après avoir commis le second lapsus que je me suis rendu compte de ce que je voulais ; quant au premier, je l’avais corrigé, sans saisir le sens de mon erreur. Je réfléchis un instant et réunissant les deux lapsus je recompose la phrase : « descendre dans la tombe » (ins Grab sinken). Et voilà que les images se mettent à défiler avec une rapidité vertigineuse les elfes dansant et planant au clair de lune ; le camarade dans sa bière ; le souvenir réveillé ; les diverses scènes qui ont accompagné l’enterrement ; la sensation du dégoût éprouvé et de la tristesse troublée ; le souvenir de certaines conversations relatives à l’épidémie possible ; les appréhensions manifestées par certains officiers. Plus tard, je me suis rappelé que ce jour-là était le jour anniversaire de la mort de mon père, souvenir qui m’a assez étonné, étant donné que j’ai une très mauvaise mémoire des dates.

« À la réflexion ultérieure, tout m’était devenu clair : l’identité des conditions extérieures des deux soirées consécutives, la même heure, le même éclairage, le même endroit et le même compagnon. Je me suis souvenu du sentiment de malaise que j’avais éprouvé lorsqu’il avait été question de l’extension possible de la grippe, mais aussi du commandement intérieur qui me défendait de céder à la peur. La juxtaposition des mots « wir könnten ins Grab sinken « (nous pourrions descendre dans la tombe) m’a, elle aussi, révélé alors sa signification, en même temps que j’ai acquis la certitude que c’est seulement après avoir corrigé le premier lapsus (Grab — tombeau, en Gras — herbe), correction, à laquelle je n’ai d’abord attaché aucune importance, que j’ai, pour donner libre issue au complexe réprimé, commis le second (en disant sinken descendre, au lieu de singen — chanter).

« J’ajoute que j’avais eu à cette époque-là des rêves très pénibles dans lesquels une parente très proche m’était apparue, à plusieurs reprises, comme gravement malade, et même une fois comme morte. Très