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d’une certaine substance en ait retiré un poids déterminé, tant de, milligrammes par exemple, d’un de ses élément constitutifs. Des conclusions définies peuvent être déduites de ce poids déterminé. Croyez-vous qu’il se trouvera un chimiste pour contester ces conclusions, sous le prétexte que la substance isolée aurait pu avoir un autre poids ? Chacun s’incline devant le fait que c’est le poids trouvé qui constitue le poids réel et on base sur ce fait, sans hésiter, les conclusions ultérieures. Or, lorsqu’on se trouve en présence du fait psychique constitué par une idée déterminée venue à l’esprit d’une personne interrogée, on n’applique plus la même règle et on dit que la personne aurait pu avoir une autre idée. Vous avez l’illusion d’une liberté physique et vous ne voudriez pas y renoncer ! Je regrette de ne pas pouvoir partager votre opinion sur ce sujet.

Il se peut que vous cédiez sur ce point, mais pour renouveler votre résistance sur un autre. Vous continuerez en disant : « nous comprenons que la technique spéciale de la psychanalyse consiste à obtenir de la bouche même du sujet analysé la solution des problèmes dont elle s’occupe. Or, reprenons cet autre exemple où l’orateur de banquet invite l’assemblée à « démolir » (aufstossen) la prospérité du chef. Vous dites que dans ce cas l’intention perturbatrice est une intention injurieuse qui vient s’opposer à l’intention respectueuse. Mais ce n’est là que votre interprétation personnelle, fondée sur des observations extérieures au lapsus. Interrogez donc l’auteur de celui-ci : jamais il n’avouera une intention injurieuse ; il la niera plutôt, et avec la dernière énergie. Pourquoi n’abandonneriez-vous pas votre interprétation indémontrable, en présence de cette irréfutable protestation ? «

Vous avez trouvé cette fois un argument qui porte. Je me représente l’orateur inconnu ; il est probablement assistant du chef honoré, peut-être déjà privat-docent ; je le vois sous les traits d’un jeune homme dont l’avenir est plein de promesses. Je vais lui demander avec insistance s’il n’a pas éprouvé quelque résistance à l’expression de sentiments respectueux à l’égard de son chef. Mais me voilà bien reçu. Il devient impatient et s’emporte violemment : « Je vous prie de cesser vos interrogations ;