Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/461

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un cas de manie de la jalousie chez une femme. À présent que mon exposé touche à la fin, vous seriez sans doute curieux de savoir comment j’explique une manie au point de vue psychanalytique. Je regrette d’avoir à vous dire sur ce sujet moins que ce que vous attendez. L’inaccessibilité de la manie à l’action d’arguments logiques et d’expériences réelles s’explique, aussi bien que l’inaccessibilité de l’obsession aux mêmes influences, par ses rapports avec l’inconscient qui est représenté et réprimé par la manie ou par l’idée obsessionnelle. Les deux affections ne diffèrent entre elles qu’au point de vue topique et dynamique.

Comme dans la paranoïa, nous avons trouvé dans la mélancolie, dont on a d’ailleurs décrit des formes cliniques très diverses, une fissure qui nous permet d’en apercevoir la structure interne. Nous avons constaté que les reproches impitoyables, dont les mélancoliques s’accablent eux-mêmes, s’appliquent en réalité à une autre personne, à l’objet sexuel qu’ils ont perdu ou qui, par sa propre faute, est tombé dans leur estime. Nous avons pu en conclure que si le mélancolique a retiré de l’objet sa libido, cet objet se trouve reporté dans le moi, comme projeté sur lui, à la suite d’un processus auquel on peut donner le nom d’identification narcissique. Je ne puis vous donner ici qu’une image figurée, et non une description topico-dynamique en règle. Le moi est alors traité comme l’objet abandonné, et il supporte toutes les agressions et manifestations de vengeance qu’il attribue à l’objet. La tendance au suicide qu’on observe chez le mélancolique s’explique, elle aussi, plus facilement à la lumière de cette conception, le malade s’acharnant à supprimer du même coup et lui-même et l’objet à la fois aimé et haï. Dans la mélancolie, comme dans les autres affections narcissiques, se manifeste d’une manière très prononcée un trait de la vie affective auquel nous donnons généralement, depuis Bleuler, le nom d’ambivalence. C’est l’existence, chez une même personne, de sentiments opposés, amicaux et hostiles, à l’égard d’une autre personne. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion, au cours de ces entretiens, de vous parler plus longuement de cette ambivalence des sentiments.

À côté de l’identification narcissique, il existe une