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toutes les conditions de l’angoisse réelle, on arriverait logiquement à la conception d’après laquelle c’est la conscience de sa propre faiblesse et de son impuissance, de sa moindre valeur, selon la terminologie de A. Adler, qui serait la cause première de la névrose, lorsque cette conscience, loin de finir avec l’enfance, persiste jusque dans l’âge mûr.

Ce raisonnement semble tellement simple et séduisant qu’il mérite de retenir notre attention. Il n’aurait toutefois pour conséquence que de déplacer l’énigme de la nervosité. La persistance du sentiment de moindre valeur et, par conséquent, de la condition de l’angoisse et des symptômes apparaît dans cette conception comme une chose tellement certaine que c’est plutôt l’état que nous appelons santé qui, lorsqu’il se trouve réalisé par hasard, aurait besoin d’explication. Mais que nous révèle l’observation attentive de l’état anxieux des enfants ? Le petit enfant éprouve tout d’abord de l’angoisse en présence de personnes étrangères, les situations ne jouent sous ce rapport un rôle que par les personnes qu’elles impliquent et, quant aux objets, ils ne viennent, en tant que générateurs d’angoisse, qu’en dernier lieu. Mais l’enfant n’éprouve de l’angoisse devant des personnes étrangères qu’à cause des mauvaises intentions qu’il leur attribue et parce qu’il compare sa faiblesse avec leur force, dans laquelle il voit un danger pour son existence, sa sécurité, son euphorie. Eh bien, cet enfant méfiant, vivant dans la peur d’une menace d’agression répandue dans tout l’univers, constitue une construction théorique peu heureuse. Il est plus exact de dire que l’enfant s’effraie à la vue d’un nouveau visage parce qu’il est habitué à la vue de cette personne familière et aimée qu’est la mère. Il éprouve une déception et une tristesse qui se transforment en angoisse ; il s’agit donc d’une libido devenue inutilisable et qui, ne pouvant pas alors être maintenue en suspension, trouve sa dérivation dans l’angoisse. Et ce n’est certainement pas par hasard que dans cette situation caractéristique de l’angoisse infantile se trouve reproduite la condition qui est celle du premier état d’angoisse accompagnant l’acte de la naissance, à savoir la séparation de la mère.

Les premières phobies de situation qu’on observe