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Il fait avec son cavalier un saut dans l’abîme… et le lion en reste pour ses frais. L’aide apportée au malade par la névrose ressemble à ce saut dans l’abîme. Aussi peut-il arriver que la solution du conflit par la formation de symptômes ne constitue qu’un processus automatique, l’homme se montrant ainsi incapable de répondre aux exigences de la vie et renonçant à utiliser ses forces les meilleures et les plus élevées. S’il y avait possibilité de choisir, on devrait préférer la défaite héroïque, c’est-à-dire consécutive à un noble corps à corps avec le destin.

Je dois toutefois vous donner encore les autres raisons pour lesquelles je n’ai pas commencé l’exposé de la théorie des névroses par celui de la nervosité commune. Vous croyez peut-être que, si j’ai procédé ainsi, ce fut parce que, en suivant un ordre opposé, j’aurais rencontré plus de difficultés à établir l’étiologie sexuelle des névroses. Vous vous trompez. Dans les névroses de transfert, on doit, pour en arriver à cette conception, commencer par mener à bien le travail d’interprétation des symptômes. Dans les formes ordinaires des névroses dites actuelles, le rôle étiologique de la vie sexuelle constitue un fait brut, qui s’offre de lui-même à l’observation. Je me suis heurté à ce fait il y a plus de vingt ans lorsque je m’étais un jour demandé pourquoi on s’obstine à ne tenir aucun compte, au cours de l’examen des nerveux, de leur activité sexuelle. J’ai alors sacrifié à ces recherches la sympathie dont je jouissais auprès des malades, mais il ne m’a pas fallu beaucoup d’efforts pour arriver à cette constatation que la vie sexuelle normale ne comporte pas de névrose (de névrose actuelle, veux-je dire). Certes, cette proposition fait trop bon marché des différences individuelles des hommes et elle souffre aussi de cette incertitude qui est inséparable du mot « normal », mais, au point de vue de l’orientation en gros, elle garde encore aujourd’hui toute sa valeur. J’ai pu alors établir des rapports spécifiques entre certaines formes de nervosité et certains troubles sexuels particuliers, et je suis convaincu que si je disposais des mêmes matériaux, du même ensemble de malades, je ferais encore aujourd’hui des observations identiques. Il m’a souvent été donné de constater qu’un homme, qui se contentait d’une certaine satisfaction incomplète,