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lesquels ne feraient leur apparition qu’à l’âge de la puberté. Ce qui s’éveille chez les enfants à cet âge, c’est la fonction de la reproduction qui se sert, pour réaliser ses buts, d’un appareil corporel et psychique déjà existant. Vous tombez dans l’erreur qui consiste à confondre sexualité et reproduction, et par cette erreur vous vous fermez l’accès à la compréhension de la sexualité, des perversions et des névroses. C’est là cependant une erreur tendancieuse. Chose étonnante, elle a sa source dans le fait que vous avez été enfants vous-mêmes et avez, comme tels, subi l’influence de l’éducation. Au point de vue de l’éducation, la société considère comme une de ses tâches essentielles de réfréner l’instinct sexuel lorsqu’il se manifeste comme besoin de procréation, de le limiter, de le soumettre à une volonté individuelle se pliant à la contrainte sociale. La société est également intéressée à ce que le développement complet du besoin sexuel soit retardé jusqu’à ce que l’enfant ait atteint un certain degré de maturité sociale, car dès que ce développement est atteint, l’éducation n’a plus de prise sur l’enfant. La sexualité, si elle se manifestait d’une façon trop précoce, romprait toutes les barrières et emporterait tous les résultats si péniblement acquis par la culture. La tâche de réfréner le besoin sexuel n’est d’ailleurs jamais facile ; on réussit à la réaliser tantôt trop, tantôt trop peu. La base sur laquelle repose la société humaine est, en dernière analyse, de nature économique : ne possédant pas assez de moyens de subsistance pour permettre à ses membres de vivre sans travailler, la société est obligée de limiter le nombre de ses membres et de détourner leur énergie de l’activité sexuelle vers le travail. Nous sommes là en présence de l’éternel besoin vital qui, né en même temps que l’homme, persiste jusqu’à nos jours.

L’expérience a bien dû montrer aux éducateurs que la tâche d’assouplir la volonté sexuelle de la nouvelle génération n’est réalisable que si, sans attendre l’explosion tumultueuse de la puberté, on commence dès les premières années à amener les enfants à soumettre à une discipline leur vie sexuelle, qui n’est qu’une préparation à celle de l’âge mûr. Dans ce but, on interdit aux enfants toutes les activités sexuelles infantiles ; on les en détourne, dans l’espoir idéal de