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par Plutarque et par Artémidore d’Éphèse. Alors que le roi assiégeait la ville de Tyr qui se défendait avec acharnement (322 av. J.-C.), il vit en rêve un satyre dansant. Le devin Aristandre, qui suivait l’armée, interpréta ce rêve, en décomposant le mot « satyros » en sa Turos (Tyr est à toi) ; il crut ainsi promettre au roi la prise de la ville. À la suite de cette interprétation, Alexandre se décida à continuer le siège et finit par conquérir Tyr. L’interprétation, qui paraît assez artificieuse, était incontestablement exacte.

3. Vous serez sans doute singulièrement impressionnés d’apprendre que des objections ont été soulevées contre notre conception du rêve, même par des personnes qui se sont en qualité de psychanalystes, occupées pendant longtemps de l’interprétation des rêves. Il eût été étonnant qu’une source aussi abondante de nouvelles erreurs fût restée inutilisée, et c’est ainsi que la confusion de notions et les généralisations injustifiées auxquelles on s’était livré à ce propos ont engendré des propositions qui, par leur inexactitude, se rapprochent beaucoup de la conception médicale du rêve. Vous connaissez déjà une de ces propositions. Elle prétend que le rêve consiste en tentatives d’adaptation au présent et de solution de tâches futures, qu’il poursuit, par conséquent, une « tendance prospective » (A. Maeder). Nous avons déjà montré que cette proposition repose sur la confusion entre le rêve et les idées latentes du rêve, qu’elle ne tient par conséquent pas compte du travail d’élaboration. En tant qu’elle se propose de caractériser la vie psychique inconsciente dont font partie les idées latentes du rêve, elle n’est ni nouvelle, ni complète, car l’activité psychique inconsciente s’occupe, outre la préparation de l’avenir, de beaucoup d’autres choses encore. Sur une confusion bien plus fâcheuse repose l’affirmation qu’on trouve derrière chaque rêve la « clause de la mort ». Je ne sais exactement ce que cette formule signifie, mais je suppose qu’elle découle de la confusion entre le rêve et toute la personnalité du rêveur.

Comme échantillon d’une généralisation injustifiée tirée de quelques bons exemples, je citerai la proposition d’après laquelle chaque rêve serait susceptible de deux interprétations : l’interprétation dite psychanalytique,