Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

ayons pour cela le droit de mettre en doute la possibilité de leur utilisation. Vous savez que la rencontre des contraires dans le travail d’élaboration est analogue à ce qu’on appelle l’ « opposition de sens » des radicaux dans les langues les plus anciennes. Le linguiste R. Abel (1884), auquel nous devons d’avoir signalé ce point de vue, nous prévient qu’il ne faut pas croire que la communication qu’une personne fait à une autre à l’aide de mots aussi ambivalents possède de ce fait un double sens. Le ton et le geste sont là pour indiquer, dans l’ensemble du discours, d’une façon indiscutable, celle des deux oppositions que la personne qui parle veut communiquer à celle qui écoute. Dans l’écriture où le geste manque, le sens est désigné par un signe figuré qui n’est pas destiné à être prononcé, par exemple par l’image d’un homme paresseusement accroupi ou vigoureusement redressé, selon que le mot Ken, à double sens, de l’écriture hiéroglyphique doit désigner « faible » ou « fort ». C’est ainsi qu’on évitait les malentendus, malgré la multiplicité de sens des syllabes et des signes.

Les anciens systèmes d’expression, par exemple les écritures des langues les plus anciennes, présentent de nombreuses indéterminations que nous ne tolérerions pas dans nos langues actuelles. C’est ainsi que dans certaines langues sémitiques les consonnes des mots sont seules désignées. Quant aux voyelles omises, c’est au lecteur de les placer, selon ses connaissances et d’après l’ensemble de la phrase. L’écriture hiéroglyphique procédant, sinon tout à fait de même, du moins d’une façon très analogue, la prononciation de l’ancien égyptien nous est inconnue. L’écriture sacrée des Égyptiens connaît encore d’autres indéterminations. C’est ainsi qu’il est laissé à l’arbitraire de l’écrivain de ranger les images de droite à gauche ou de gauche à droite. Pour pouvoir lire, on doit s’en tenir au précepte que la lecture doit être faite en suivant les visages des figures, des oiseaux, etc. Mais l’écrivain pouvait encore ranger les signes figurés dans le sens vertical, et lorsqu’il s’agissait de faire des inscriptions sur de petits objets, des considérations d’esthétique ou de symétrie pouvaient lui faire adopter une autre succession des signes. Le facteur le plus troublant dans l’écriture hiéroglyphique, c’est qu’elle ignore la séparation