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d’une vie sexuelle chez l’enfant et en admettant que la sexualité n’apparaît qu’au moment de la puberté, lorsque les organes génitaux ont atteint leur plein développement. Au contraire, l’enfant a dès le début une vie sexuelle très riche, qui diffère sous plusieurs rapports de la vie sexuelle ultérieure, considérée comme normale. Ce que nous qualifions de pervers dans la vie de l’adulte s’écarte de l’état normal par les particularités suivantes : méconnaissance de barrière spécifique (de l’abîme qui sépare l’homme de la bête), de la barrière opposée par le sentiment de dégoût, de la barrière formée par l’inceste (c’est-à-dire par la défense de chercher à satisfaire les besoins sexuels sur des personnes auxquelles on est lié par des liens consanguins), homosexualité et enfin transfert du rôle génital à d’autres organes et parties du corps. Toutes ces barrières, loin d’exister dès le début, sont édifiées peu à peu au cours du développement et de l’éducation progressive de l’humanité. Le petit enfant ne les connaît pas. Il ignore qu’il existe entre l’homme et la bête un abîme infranchissable ; la fierté avec laquelle l’homme s’oppose à la bête ne lui vient que plus tard. Il ne manifeste au début aucun dégoût de ce qui est excrémentiel : ce dégoût ne lui vient que peu à peu, sous l’influence de l’éducation. Loin de soupçonner les différences sexuelles, il croit au début à l’identité des organes sexuels ; ses premiers désirs sexuels et sa première curiosité se portent sur les personnes qui lui sont les plus proches ou sur celles qui, sans lui être proches, lui sont le plus- chères : parents, frères, sœurs, personnes chargées de lui donner des soins, en dernier lieu, se manifeste chez lui un fait qu’on retrouve au paroxysme des relations amoureuses, à savoir que ce n’est pas seulement dans les organes génitaux qu’il place la source du plaisir qu’il attend, mais que d’autres parties du corps prétendent chez lui à la même sensibilité, fournissent des sensations de plaisir analogues et peuvent ainsi jouer le rôle d’organes génitaux. L’enfant peut donc présenter ce que nous appellerions une « perversité polymorphe », et si toutes ces tendances ne se manifestent chez lui qu’à l’état de traces, cela tient, d’une part, à leur intensité moindre en comparaison de ce qu’elle est à un âge plus avancé et, d’autre part, à ce