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cette occasion, la capture de chaque poisson, comme un meurtre injustement commis, puisqu’aucun d’eux n’avoit pu faire le moindre mal, qui méritât qu’on leur donnât la mort. Cette manière de raisonner étoit, selon moi, sans réplique.

Cependant j’avois autrefois beaucoup aimé le poisson ; et quand je vis une morue frite, sortir de la poële, l’odeur m’en parut délicieuse. J’hésitai quelque temps entre mes principes et mon inclination. Mais me rappelant, enfin, que quand on avoit ouvert la morue, on avoit tiré de son estomac plusieurs petits poissons, je dis aussitôt en moi-même : — Si vous vous mangez les uns les autres, je ne vois pas pourquoi nous ne vous mangerions point. En conséquence, je dînai de morue avec grand plaisir, et je continuai depuis, à manger comme les autres, retournant seulement par occasion au régime végétal. Ô qu’il est commode d’être un animal raisonnable, qui connoît ou invente un prétexte plausible pour tout ce qu’il a envie de faire !