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il se fut explique en ce sens, il me montra’abord, de la manière la plus claire, la différence qui existe entre la volonté et la sensibilité. Ces preuves, il est certain qu’il ne les tirait pas de son propre fonds, mais plutôt de quelques ou­vrages qu’il avait à sa disposition, dans lesquels seulement ces idées étaient exposées moins net­tement. Je me mis ensuite moi-même à employer sa méthode, aussi bien qu’il me fut possible, pour des interprétations du même genre, et à recher­cher de tous côtés et avec une grande ardeur d’esprit les sens divers des Écritures, là où se trouvait quelque moralité cachée. »

Les auteurs où l’on peut puiser des détails sur saint Anselme sont : Eadmer, qui vécut avec lui et écrivit sa vie· Jean de Salisbury, Guillaume de Malmesbury, de Gestis pontificum anglorum ; Ch. de Rémusat, Saint Anselme de Cantorbéry, Paris, 1833, 1 vol. in-8. Il y a plusieurs éditions de ses ouvrages : 1° in-f « , Nuremberg, 1491 ; 2° in-f°, Paris, par D. Gabriel Gerberon, 1675 ; 3 » réimprimé en 1721 ; 4° in-f°, Venise, 2 vol., 1744. Le Rationalisme chrétien à la fin du xie siècle, par H. Bouchitté, Paris, 1842, in-8, contient le texte et la traduction du Monologium et du Proslogium. — E. Saisset, de Varia S. Anselmi in Proslogio argumenti fortuna, Parisiis. 1840, in-8 ; Mélanges d’histoire, de morale et de cri­tique, Paris, 1859, in-12.—Victor Cousin, Frag­ments de philosophie du moyen âge. Beaucoup de manuscrits de ses ouvrages sont répandus dans diverses bibliothèques.H. B.

ANTÉCÉDENT (de ante cedo, marcher avant) veut dire le premier terme d’un rapport, soit lo­gique, soit métaphysique ; le second terme se nomme conséquent. Par exemple, dans le rapport de causalité, la causalité est l’antécédent, les ef­fets sont le conséquent.

ANTHROPOLOGIE (de άνθρωπος et de λόγος, science de l’homme) signifie, chez les natura­listes, l’histoire naturelle de l’espèce humaine. Mais les philosophes allemands, surtout depuis Kant, ont donné à ce mot un sens beaucoup plus étendu. Ils s’en servent pour désigner, soit isolé­ment, soit dans leur réunion, toutes les sciences ui se rapportent à un point de vue quelconque e la nature humaine ; à l’âme comme au corps, à l’individu comme à l’espèce, aux faits histori­ques et aux phénomènes de conscience, aux rè­gles absolues de la morale comme aux intérêts les plus matériels et les plus variables. Aussi a— t-il paru en Allemagne, sous ce même titre d’^ln— thropologie, des ouvrages presque innombrables et traitant des matières les plus diverses. Nous nous contenterons de citer par exemple : l'An­thropologie médicale el philosophique de Platner, in-8, Leipzig, 1772 ; PAnthropologie p/hysiogno— monique de Maass, in-8, Leipzig, 1791 ; l’Anthro— pologie pragmatique de Kant, in-8, Koenigsberg, 1798 ; l’Anthropologie psychologique de Abicht, in-8, Erlangen, 1801 ; l’Anthropologie psycholo­gique de Liebsch, in-8, Goëttingue, 1806 ; le Ma­nuel d’Anthropologie physique dans ses appli­cations à la vie pratique el au Code pénal, par Weber, in-8, Tubingue, 1829, etc. Maine de Biran a également intitule un de ses ouvrages Nouveaux Fusais d’anthropologie. Autrefois, dans notre lan­gue, on entendait par anthropologie une manière de s’exprimer qui attribue à Dieu les actions et les faiblesses de l’homme : c’est ce sens que nous voyons adopté par la plupart des philosophes et des théologiens du xvir siècle. Un terme aussi vague, qui peut s’appliquer à la fois aux choses les plus disparates, est justement tombé parmi nous en désuétude, et doit être exclu à jamais de la langue philosophique.

ANTHROPOMORPHISME (de άνθρωπος, hom­me, et de μοριή, forme). Ce nom a d’abord été donné, comme l’étymologie l’iadicjuc, à cette an­tique conception de la Divi/m6 q^i lui attribuait la forme corporelle de l’hommo. E le avait son prin­cipe dans le besoin qu’a l’esprit humain d’ajouter toujours une image à ses conceptions, même les plus pures, et qui a été si bien constaté par Aris­tote dans l’aphorisme fameux, 6v5sv νοητόν mvj φαντασίας. Ce besoin n’étant pas contre-b ilancé par une idée assez élevée do la Divinité et par les progrès de la raison, Dieu ou les dieux, di­sait-on, ne peuvent avoir que la plus belle de toutes les formes ; or, selon les uns, la plus belle forme est la forme sphérioue, parce qu’elle est la plus régulière et la. plus parfaite : les dieux ont donc la forme sphérique ; selon d’au­tres, la plus belle de toutes les formes est la forme humaine, elle est donc aussi la forme de la Divinité.

Aux exigences de l’imagination s’ajoutait, dans la seconde conclusion, cette autre tendance en vertu de laquelle l’homme conçoit volontiers tous les êtres à son image, se prend pour la me­sure et le point de comparaison de toutes choses Ou même interprétant à la lettre le mot de la Genèse : « Dieu fit l’homme à sa ressemblance, » on s’en autorisait pour reconstruire d’après la copie le modèle divin.

Cet anthropomorphisme est tellement grossiei qu’il a depuis longtemps disparu de lnistoire avec la mythologie païenne et les premières hé­résies du christianisme en voie de formation 11 ne subsiste plus que dans l’imagination des en­fants et des simples ou à l’état d’innocente allé­gorie d ins les œuvres des peintres et des poètes.

La même dénomination a ensuite été appliquée par extension à toute doctrine philosophique qui attribue à Dieu, non plus la figure humaine, mais les actions, les sentiments, les passions et en général les manières d’être ou d’agir de l’hu­manité. Cette nouvelle espèce d’anthropomorphis­me, très-différente delà première, ne saurait être ugée aussi sommairement. Sans doute, c’est une grave et dangereuse erreur que de concevoir Dieu à l’image de l’homme moral, de le doter de nos imperfections ou même de nos perfections purement relatives. Mais d’une autre part, c’est la connaissance de nous-mêmes et du monde qui peut seule nous élever à la connaissance de Dieu ; il est donc à la fois très-difficile de fixer et très— aisé de franchir la limite en deçà de laquelle il est permis à la raison humaine de puiser dans la connaissance de sa propre nature et dans celle du monde les moyens de se faire quelque idée de la nature de Dieu.

L’anthropomorphisme’est la grande et facile accusation que l’athéisme et le panthéisme adres­sent aux philosophes qui croient que l’on peut, non-seulement prouver l’existence de Dieu, mais encore concevoir quelque chose de sa nature, sans pour cela faire de Dieu un homme divin. Per­sonne n’a attaqué plus vigoureusement l’anthro­pomorphisme et décrit d’une façon plus saisissante que Spinoza la difficile situation du philosophe qui prétend déterminer quelque perfection de la nature divine et lui attribuer, par exemple, la pensée ou la volonté. Attribuer à Dieu la pensée, disait-il, ou bien c’est concevoir Dieu comme un homme en le dotant purement et simplement de la pensée humaine, ou bien c’est lui attribuer une puissance ou une manière d’être dont nous n’avons aucune idée, car il n’existe pas. alors, plus de rap— portentre la pensée humaineet ce que nousattri— buons à Dieu sous le même nom qu’entre le Chien, constellation céleste, et le chien, anim il aboyant. Vingt-deux siècles avant Spinoza, les Éléates di­saient déjà : « L’Être est si grand, que nous n’en pouvons