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en un seul corps divers morceaux dé­tachés sur un même sujet ; outre cet arrange­ment général, il chercha à déterminer l’ordre et la constitution de chaque ouvrage en particu­lier ; 3° il exposa les résultats de son travail dans chaque ouvrage en divers livres, où il traitait, en général, de la vie d’Aristote et de Théophraste, ainsi que de l’ordre et de l’authen— ticite de leurs écrits. C’est là sans doute qu’il faisait connaître les raisons pour lesquelles il rejetait, comme non authentiques, le livre de l’interprétation et l’appendice des catégories, désigné chez les Latins sous le nom de Post prœdicamenta. Mais la première de ces deux assertions a été victorieusement combattue par Alexandre d’Aphrodise, et la seconde par Por­phyre (Boeth., in. lib. de Intcrpret.). Andronicus a aussi publié deux commentaires, l’un sur la Physique, l’autre sur les Catégories d’Aristote, et un livre sur la Division que Plotin estimait beaucoup. Tous ces ouvrages sont aujourd’hui perdus, et il serait même difficile de restituer en entier l’ordre dans lequel il a divisé les écrits d’Aristote. C’est à tort qu’on a voulu lui attribuer un traité des passions (περί Παθών), imprimé à Augsbourg en 1594, et une paraphrase sur la mo­rale à Nicomaque, publiée avec la traduction latine à Leyde en 1617, et à Cambridge en 1679. Voyez, pour les travaux d’Andronicus sur Aris­tote, Stahr, Aristotelia, deuxième partie, p. 222 et seq. — Brandis, dans le Musée du Rhin (en ail.), t. I. — Ravaisson, Essai sur la Métaphy­sique d’Aristote, in-8, Paris, 1837, liv. I, cil. n.

  • Buhle, édit. d’Arist., 5 vol. in-8, Deux-Ponts, 1791, t. I.

ANÉPONYME (Georges), philosophe grec du xme siècle, connu par ses Commentaires sur Aris­tote, et principalement par celui qui traite de l’Organum. Il a pour titre : Compendium philo­sophice, sive Organi Aristotelis, græc. et lat., édit. Joh. Wegelin, in-8, Augsbourg, 1600.

ANGELUS SILESIUS, poëte-philosophé, né en 1624 à Glatz ou à Breslau, et mort dans cette dernière ville en 1677. Ce nom, sous lequel il a acquis en Allemagne une certaine célébrité, n’est qu’un nom, d’emprunt, car il s’appelait Jean Scheffler. Elevé dans le protestantisme, et d’a­bord médecin du duc de Wurtemberg, il se con­vertit à la foi catholique, entra dans les ordres et lut nommé conseiller (le l’évêque de Breslau. Dès sa plus tendre jeunesse il s’était nourri des œuvres de Tauler, de Bœhm et de quelques autres mystiques dont il adopta les opinions en les portant, au moins sous le rapport métaphysi­que. à leurs dernières conséquences. Son système, ou plutôt sa foi, comme celle de tous les hommes de la même école, lorsqu’ils sont d’accord avec eux-mêmes, est un vrai panthéisme fondé sur le sentiment ou sur l’amour. Il pensait que Dieu, dont l’essence est tout amour, ne peut rien aimer ui soit au-dessus de lui-même. Mais cet amour e Dieu pour lui-même n’est pas possible, si Dieu ne sort, en quelque façon, des profondeurs de sa nature ou de l’abîme de l’infini, pour se manifester à ses propres yeux ; en un mot, s’il ne se fait homme. Dieu et l’homme sont donc au fond le même être, ils se confondent dans le même amour ; et cet amour infini se développe, s’élève éternellement ainsi que l’homme, sans lequel il n’existerait pas. Tout se résume en une sorte d’apothéose successive de l’humanité ; aussi n’a-t-on pas manqué, en Allemagne, de regarder cette doctrine comme un antécédent, et peut— être comme le modèle de celle de Fichte. An­gélus Silesius n’a pas exposé ses opinions sous une forme scientifique ; maison les trouve dis­séminées dans un grand nombre de cantiques spirituels et de sentences poétiques. Quelques— unes de ces dernières, que nous allons essayer de traduire, sulfisent pour donner une idée de son style et de sa pensée dominante :

« Rien n’existe que Dieu et moi, et si nous n’existions pas l’un et l’autre, Dieu ne serait plus Dieu et le ciel s’ébranlerait. »

« Je suis aussi grand que Dieu, il est aussi petit que moi ; nous ne pouvons être ni au-dessus ni au-dessous l’un de l’autre. »

« Dieu, c’est pour moi Dieu et l’homme ; moi je suis pour lui l’homme et Dieu ; je le désaltère dans sa soif ; il vient à mon aide dans le be­soin. »

« 0 banquet plein de délices ! c’est Dieu lui— même qui est le vin, les aliments, la table, la

musique et le serviteur. »

« Lorsque Dieu était caché dans le sein d’une jeune fille, alors le point renfermait en lui le cercle tout entier. »

Ces deux dernières strophes nous rappellent, par l’expression aussi bien que par les idées, les doctrines kabbalistiques qui, déjà dévoilées en partie par Reuchlin et Pic de la Mirandole, com­mençaient alors à se répandre parmi les chré­tiens. Les ouvrages publiés par Angelus Silesius sont ses Cantiques spirituels, Breslau, 1657.— Psyché affligée, ib., 1664. —La Précieuse perle évangélique, Glatz, 1667. — Le Chérubin voya­geur (littéralement le Voyageur chérubinique). Glatz, 1674. Aucun de ces divers écrits n’a encore été traduit, soit en latin, soit en français. On en a publié des extraits sous les titres suiyants : Sentences poétiques d’Angelus Silesius, in-8, Berlin, 1820. — Collier de perles, ou sentences, etc., in-8, Munich, 1831. — Angelus Silesius et St Martin, in-8 ; Berlin, 1833. L’auteur de ce recueil est la célébré Rachel de Varnhague. — Enfin on pourra aussi consulter avec fruit Müller, Bibliothèque des poètes allemands du xvii* siècle, Leipzig, 1826.

anglaise (Philosophie). L’histoire de la scolastique en Angleterre rentre dans l’histoire générale de la philosophie du moyen âge ; d’au­tre part, l’histoire de la philosophie écossaise mérite, par le nombre, par l’importance, et sur­tout par le caractère de ses travaux, qu’il en soii traite spécialement.

La philosophie anglaise ne commencerait donc qu’avec le xvne siècle et aurait pour théâtre l’Angleterre proprement dite. Mais si, dans ces limites de temps et d’espace, on compte un assez grand nombre de philosophes anglais, on ne peut pas dire qu’il y ait une philosophie anglaise. Il n’y a d’école philosophique qu’à la condition que dans un certain pays ou dans un certain temps, un groupe ou une succession de philoso­phes aient professé sur les points capitaux de la philosophie des opinions identiques ou sembla­bles. Or, les problèmes fondamentaux de la phi­losophie ont reçu en Angleterre, depuis plus de deux siècles, les solutions les plus différentes et même les plus opposées.

On ne peut, cependant, ne pas reconnaître une certaine unité, sinon dans les doctrines, au moins dans l’esprit général et la méthode de la plupart des philosophes anglais. Malgré des différences profondes et d’éclatantes exceptions, un même goût pour l’expérience, surtout pour l’expérience qui se fait par les organes des sens, une cer­taine horreur instinctive de la raison et de la métaphysique, l’amour des questions d’un intérêt immédiat et des solutions qui semblent prati­ques, ce sont là des traits communs au plus grand nombre des philosophes anglais, mais qui en font des esprits d’une même trempe, des hommes d’une même nation, plutôt que des phi-losophes