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P André a beaucoup écrit. L’Essai sur le, Beau, qui a paru pour la première fois en 1741, se compose de huit discours, lus à l’Aca— démie de Caen. On y remarque une foule de pensées agréables et ingénieuses. Le P. André distingue trois sortes de beau : l°im beau essen­tiel et indépendant de toute institution, même divine ; 2° un beau naturel et indépendant de l’opinion des hommes, mais d’institution divine ; 3° un beau d’institution humaine, jusqu’à un certain point arbitraire. Il étudie successive­ment ces trois espèces de beauté dans le beau sensible ou le beau considéré dans les corps, et dans le beau intelligible ou le beau considéré dans les esprits ; dans le beau sensible qui est ou visible ou musical ; dans le beau intelligible qui est moral ou spirituel. L’idée du beau, sous tou­tes ses formes, se réduit à peu près pour le P. André aux idées d’ordre et d’unité.

Vient ensuite le Traité de l’homme, c’est-à— dire une suite de discours sur les principales fonctions du corps, sur les divers attributs de l’âme, et sur l’union de l’âme et du corps. On y reconnaît l’influence de la philosophie de Des­cartes et de Malebranche. Outre ces deux ouvra­ges, le P. André a laissé beaucoup de manuscrits, dont la bibliothèque publique de Caen possède maintenant la plus grande et probablement la meilleure partie. On y remarque un traité de métaphysique (Metaphysica sive Theologia na­turalis, grand in-folio de 128 pages) ; un traité de physique (Pliysiea, grand in-4 de 155 pages), et un volume in-4 de 464 pages, contenant de longs extraits de Descartes et de Malebranche, avec ses observations en marge. Son plus im­portant travail est très-probablement cette Vie de Malebranche ; prêtre de l’Oratoire, avec l’his­toire et l’abrége de ses ouvrages, dont nous ne connaissons encore que le titre et la première phrase : Depuis qu’il y a des hommes, on a tou­jours philosophé.

Le P. André, tout en professant le plus grand respect pour Platon et saint Augustin, avait ce­pendant une préférence marquée pour Descartes et Malebranche : « Hors de Malebranche et de Descartes, disait-il, en philosophie, point de sa­lut ! »

Son Cours de philosophie comprenait : 1° la lo­gique ; 2° la morale ; 3° la métaphysique ; 4° la physique.

Sa Logique nous est complètement inconnue ; nous savons seulement de lui-même qu’elle n’é­tait qu’un recueil des règles du bon sens, ou se trouvaient entremêlées des questions choisies el faciles pour exercer l’intelligence des enfants et leur apprendre à faire une juste application des règles qui leur auraient été proposées. Il mépri­sait profondément cette logicaillerie in abstracto et in concreto, et ce jargon scolastique, sans méthode, sans goût, dont l’enseignement public faisait encore usage.

Sa Morale devait être comme une logique du cœur. Quelques mots recueillis de sa bouche ou détachés de ses livres nous montrent assez quel­les étaient en cette matière l’élévation et l’indé­pendance de son esprit. « J’ai pris, disait-il, pour règles de mes actions ces deux passages de l’Écriture : « Omnia propter semetipsum opera­tus est Dominus ; » Dieu m’a donné une âme, je dois donc l’employer pour sa gloire. « Uni­cuique mandavit Deus de proximo suo ; » qui n’est bon qu’à soi, n’est bon à rien. « Je ne me souviens pas du bien que j’ai fait aux autres ; je me souviens seulement du bien que les au­tres m’ont fait. ·> Dans son premier Discours sur l’amour désintéressé, il distingue nettement l’amour de l’honnête qui nous dit comme à des braves : Suivez-moi, c’est le devoir qui vous ap­pelle ; et l’amour du bien délectable, qui nous crie comme à des troupes mercenaires : Suives— moi, je vous payerai comptant.

Sa métaphysique se divise en trois sections : la première traite des principes de la connais­sance ; la deuxième, de Dieu ; la troisième, de l’âme : le tout d’après saint Augustin, et en vue des vérités chrétiennes que l’enseignement gé­néral lui semblait trop oublier. Cette métaphysi­que n’est guère qu’un compromis entre le sys­tème de Malebranche et le péripatétisme des Jésuites. L’auteur y prie ses lecteurs de ne pas l’accuser malicieusement de cartésianisme, au moment même où, malgré ses dénégations, il est le plus évidemment cartésien. On comprend que sans la surveillance de ses supérieurs, il lui était impossible de ne pas prendre cette précaution

Nous ne citerons de sa Physique que le para­graphe qui la termine : « Voilà tout ce que j’a­vais à dire, ou plutôt tout ce qu’il m’était permis de dire sur la philosophie. S’il y a ici quelque vérité, qu’on la rapporte à la source et au prin­cipe suprême d’où toute vie émane ; si on y trouve parfois le faux mêlé au vrai, l’absurde au probable, l’incertain au certain, qu’on impute ce mélange en partie à ma faiblesse, en partie aussi aux nécessités de mon enseignement… Que si quelqu’un n ? e demandait pourquoi cette philo­sophie, qui devait être toute chrétienne, n’a pas toujours évité, ainsi que le lui prescrivait l’Apô— tre, les questions ridicules, qu’il veuille bien, je l’en prie, faire lui-même la réponse. Je ne voulais qu’une chose, en écrivant ce livre : mon­trer qu’il n’est pas une partie de la philosophie qui ne puisse être chrétiennement traitée par un philosophe chrétien ; mais remplir ce cadre, c’est ce que je laisse à des gens plus heureux et plus habiles. »

Voici la liste des ouvrages du P. André, tant imprimés que manuscrits : 1° les Œuvres du Père André, publiées par l’abbé Guyot, 4 vol. in-12, Paris, 1766 ; 2° les Œuvres du Père An­dré, de la compagn e de Jésus, avec notes et introduction, par M. Victor Cousin, un fort vol. in-12, Paris, 1843 ; 3° ses manuscrits conservés à la bibliothèque de Caen ; 4° deux recueils ma­nuscrits d’un de ses élèves, M. de Quens, le Re­cueil Mézeray et le Recueil J., conservé dans la même bibliothèque ; 5“ le Père André, ou Docu­ments inédits sur l’histoire philosophique ; reli­gieuse et littéraire du xviii0 siècle, publies par MM. A. Charma et G. Mancel, 2 vol. in-12, Caen, 1843 et 1844.

ANDRONICUS de Rhodes, ainsi appelé du nom de sa patrie, naquit à peu près cinquante ans avant l’ère chrétienne, et passa à Rome la plus grande partie de sa vie, consacrée à l’ensei— gnementdelaphilosophie péripatéticienne. Il jouit d’une grande célébrité, non pas comme philoso­phe, mais comme éditeur des ouvrages d’Aris­tote, et dont la plupart jusqu’alors étaient très-peu connus. Cependant il ne faudrait pas croire, sur la parole de Strabon (liv. XIII, ch. dcviii), qu’ils ne le fussent pas du tout ; il est à peu près cer­tain, au contraire, que la bibliothèque d’Apelli— con, où Sylla avait trouvé les ouvrages du Sta­girite, ne les renfermait pas seule, et qu’il en existait aussi plusieurs copies à la bibliothèque d’Alexandrie. Voici, d’après les recherches les plus récentes, à quoi se réduisent sur ce sujet les travaux d’Andronicus : 1° il livra à la publicité, avec des tables et des index de sa composition, les manuscrits qui lui furent communiqués des deux philosophes grecs ; 2° il classa tous les écrits d’Aristote et de Théophraste par ordre de matières. les distribuant en divers traités (πραγματείαι) et réunissant