DELA — 353 DELO gées bonnes ou mauvaises. Les déistes qui com- posent la troisième classe, tout en admettant l’idée du devoir et de la divine providence, re- fusent de croire aux châtiments et aux récom- penses d’une autre vie. Enfin, dans la quatrième classe sont compris ceux qui acceptent toutes les vérités de la religion naturelle, y compris le dogme de la vie future, et ne rejettent que le principe de l’autorité et de la révélation. Kant, non moins arbitraire, mais dont la définition a cependant trouvé plus de crédit que celle de Clarke, établit une différence entre le déisme et le théisme : le théiste, selon lui, reconnaît un Dieu libre et intelligent, auteur et providence du monde ; tandis que le déiste, dans l’idée qu’il se fait du premier principe des choses, ne va pas au delà d’une force infinie, inhérente à la ma- tière et cause aveugle de tous les phénomènes de la nature (Critique de la Raison pure, p. 659). Le déisme, dans ce sens, ne serait plus qu’une forme du matérialisme et se confondrait avec la doctrine de certains physiciens de l’antiquité; par exemple celle de Straton de Lampsaque (Voy. ce nom). On comprend après cela que nous soyons embarrassés de faire l’histoire et la criti- que du déisme, puisque ce mot, sur la significa- tion duquel on n’a jamais été d’accord, ne s’ap- plique pas à un système en particulier, mais à plusieurs systèmes essentiellement distincts et dont chacun a sa place dans ce recueil. Quant à l’opinion qui rejette les dogmes révélés, ce n’est pas ici, où tout est donné à la spéculation philo- sophique, qu’elle peut être examinée. L’autorité de la révélation ne se prouve pas par des rai- sonnements, mais par des témoignages et par des faits ; et tous ceux qui ont pris une autre route, tous ceux, depuis Origène jusqu’à certains écri- vains de notre temps, qui ont essayé de justifier par la raison ce qui, par sa nature même, doit être regardé comme au-dessus d’elle, ont égale- ment compromis les intérêts de la foi et ceux de la science. Nous dirons seulement, parce que nous pouvons le dire sans franchir les limites de l’observation philosophique, que c’est étrange- ment méconnaître la nature humaine que de sup- poser inutile l’intervention de l’autorité, et, par conséquent, de la foi, dans les croyances sur les- quelles se fondent la société et l’ordre moral. Qui oserait prétendre que les âmes puissent se passer de gouvernement et de règle dans un or- dre d’idées où la sécurité est si nécessaire, où l’erreur et le doute ont de si déplorables consé- quences? Voy. Théisme.
DELAFORGE ou DE LA FORGE (Louis). Doc-
teur en médecine à Saumur, il fut l’ami de Des-
cartes et fut considéré comme un des plus habi-
les cartésiens de son temps pour la physique.
Son principal ouvrage, écrit d’abord en français,
et ensuite traduit en latin, a pour titre : Traité
de l’âme humaine, de ses facultés, de ses fonc-
tions et de son union avec les corps, d’après les
principes de Descartes, in-4, Paris, 1664. L’his-
torien de la vie de Descartes, Baillet, porte ce
jugement sur l’ouvrage de Louis Delaforge :
« M. Delaforge a réuni dans cet ouvrage tout ce
que M. Descartes avait dit de plus beau et de
meilleur en plusieurs endroits de ses écrits ; il
est même allé plus loin, il a expliqué en détail
plusieurs choses que M. Descartes n’a touchées
qu’en passant. » C’est dans la question des rap-
ports de l’âme et du corps qu’il nous semble être
allé plus loin que Descartes et avoir ajouté un
nouveau développement à sa doctrine. Descartes,
pour^ expliquer ces rapports et cette association
de l’âme avec le corps, en avait appelé à l’assis-
tance divine ; mais il n’avait pas entrepris de
déterminer en quoi consiste cette assistance di-
OICT. l’IULui.
vine. Delaforge reprend cette question et s’ef-
force de lui donner une solution plus précise,
en conformité avec les grands principes de la
métaphysique cartésienne. Il y a , selon lui.
deux causes de l’association qui existe entre
l’âme et le corps : d’abord une cause générale
qui est la volonté divine ; ensuite une cause par-
ticulière qui est la volonté humaine ; c’est Dieu
qui est la cause générale de l’alliance de l’âme
avec le corps. Car il n’y a rien dans le corps qui
puisse être la cause de cette union, de cette
alliance. C’est donc Dieu qu’il faut considérer
comme la cause de cette association qu’on
trouve chez les hommes entre certaines idées et
certains mouvements corporels. Cette association
constante des mouvements du corps avec les sen-
timents et les idées de l’esprit a été établie par
Dieu dès le jour où, pour la première fois, tel
mouvement a eu lieu dans le corps ou telle pen-
sée dans l’esprit. Mais, à côté de cette cause gé-
nérale et prochaine de l’alliance de l’âme et du
corps, il faut reconnaître l’existence d’une autre
cause particulière de cette dépendance mutuelle
de l’âme et du corps ; cette cause particulière
est la volonté de l’âme. Car, selon Delaforge,
Dieu n’est la cause efficiente et prochaine que
de ces rapports de l’âme et du corps qui ne dé-
pendent pas de l’âme, et tous les mouvements
corporels qui sont les résultats d’actes volontaires
de l’esprit ont pour cause directe et efficiente la
volonté humaine. Ainsi, toutes les actions réci-
proques, tous les rapports de l’âme et du corps,
ne dépendent pas directement de Dieu, mais seu-
lement cette classe de rapports sur lesquels
l’âme n’a aucun pouvoir et qui s’opèrent sans
elle, et malgré elle. Quant aux mouvements vo-
lontaires, il ne faut pas leur rechercher d’autre
cause que la volonté elle-même. Mais si Louis
Delaforge ne rapporte pas à Dieu toutes les ac-
tions réciproques de l’âme sur le corps et du
corps sur l’âme, il lui rapporte déjà directement
toute une grande classe de ces actions. Il se
trouve ainsi placé, de même que Clauberg, sur
la voie qui conduit à Malebranche, et sa théorie
de l’âme et du corps fait déjà pressentir la théo-
rie des causes occasionnelles. A ce titre, l’ou-
vrage de Louis Delaforge se recommande à l’in-
térêt de celui qui veut suivre attentivement les
développements des principes posés par Descar-
tes. L’ouvrage de Delaforge a été traduit en la-
tin par Flayder sous ce titre : Tractatus de
mente humana ejusque facultatibus et functio-
nibus, in-4, Paris, 1666. On peut consulter :
P. Damiron, Essai sur l’histoire de la philoso-
phie en France au xvn* siècle, Paris, 1846,
2 vol. in-8 ; — F. Bouillier, Histoire de la philo-
sophie cartésienne, Paris, 1854 et 1867, 2 vol. in-8.
DELONDRE (Adrien-Pierre), né en 1824 à
Paris, après avoir achevé toutes ses études au
collège Louis-le-Grand, fut admis à l’École nor-
male en 1845, à l’agrégation de philosophie en
1849, au doctorat es lettres en 1855. 11 enseigna
successivement la philosophie dans les lycées de
Chaumont, de Strasbourg, de Clermont, de Tou-
louse et à la faculté des lettres de Douai. Forcé
par une cruelle maladie de quitter l’enseigne-
ment, il mourut à Paris après plusieurs années
de souffrance en 1863. On a de lui ses deux
thèses : Doctrine philosophique de Bossuet sur
la connaissance de Dieu, Paris, 1855, in-8 ; —
de Animi facultate quœ corpori movendo prœ-
sit, Paris, 1855, in-8; — plusieurs articles phi-
losophiques publiés dans la Revue Contempo-
raine et dans la Revue Européenne, parmi
lesquels on remarque des études critiques sur
le Somnambulisme naturel et artificiel, la folie,
sur les tendances positivistes de l’école médicale,