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DEFI — 348 JMTI Toute chose a son caractère propre, une nature, essence, forme ou quiddité, comme on voudra l’appeler, qui la fait être ce qu’elle est et qui la distingue des autres choses. C’est ainsi qu’un triangle n’est pas un cercle, que ’l'éléphant dif- fère du lion, et que l’homme s’élève au-dessus de tous les êtres animés par la prérogative de la raison. Fixer ce caractère qui constitue la véritable essence de chaque chose, contingente ou néces- saire, sensible ou idéale, naturelle ou artificielle, tel est le rôle de la définition dans son sens le plus vaste. Elle offre, pour ainsi parler, la ré- ponse que cherche notre esprit, quand il se de- mande ce qu’est Dieu, ou l’âme, ou la matière, ou tout autre objet. Il ne faut pas seulement y voir un simple procédé, mais une partie fonda- mentale de la science des êtres. Elle équivau- drait à cette science elle-même, si, outre la na- ture des choses, la raison ne voulait en pénétrer l’origine et la fin. La définition, ainsi comprise, ne doit pas être confondue avec la description familière au poëte et à l’orateur, qui, s’adressant à l’imagination, ne saisissent des objets que le côté sensible, l’enveloppe extérieure, et ne s’occupent pas du fond. C’est au fond que la définition proprement dite s’attache, et elle omet les accidents. Dans un végétal, par exemple, elle fait abstraction de la tige, du nombre des feuilles et de l’éclat de la corolle, qui peuvent varier sans que la plante soit altérée ; mais elle expose la structure intime de la fleur et du fruit, qui sont des parties es- sentielles. La définition doit aussi être distinguée de la démonstration. Démontrer, c’est faire voir qu’il y a un rapport entre tel attribut et tel sujet, sans expliquer la nature du sujet ni celle de l’attribut, qui est supposée déjà connue ; c’est prouver, par exemple, que tout cercle a ses rayons tgaux, sans d> terminer ce qu’est un cer- cle, ni un rayon, et en partant de ces idées comme suffisamment éclaircies; c’est établir en- fin qu’une chose est ou n’est pas, et nullement dire quelle elle est. La définition suit la marche contraire ; néglige le point de vue de l’existence, et n’envisage que l’essence. Le géomètre qui définit le triangle ne fait qu’assigner le carac- tère d’une figure possible ; et quand un astro- nome explique les causes de l’éclipsé, il ignore si, à l’heure même, la terre s’interpose entre le soleil et la lune ou la lune entre le soleil et la terre. La seule définition qui implique l’existence du sujet défini est celle de l’être parfait, qu’on ne peut concevoir sans juger aussitôt qu’il existe. Enfin, parmi les définitions elles-mêmes, les logiciens distinguent celles qui se rapportent aux mots dont elles fixent le sens, ou définitions no- minales, et celles qui se rapportent aux choses, ou définitions réelles. Ce qui caractérise les premières, c’est qu’elles sont arbitraires, et ne sauraient être contestées, tandis qu’on doit le plus souvent exiger la preuve des secondes. Chacun est le maître, en effet, d’attribuer aux termes qu’il emploie la signifi- cation que bon lui semble; et si j’avertis, par exemple, que j’appellerai du nom de cercle toute figure qui a trois côtés et trois angles, on peut me blâmer de détourner une expression de son sens ordinaire, mais non me contester que j’y ai attaché un sens nouveau, ni m’imputer en cela aucune erreur. Mais nous n’avons pas sur la nature des choses le même pouvoir que sur les mots : il ne dépend pas de nous de leur pn des attributs qu’elles ne possèdent pas ; et, quand nous le faisons, c’est le résultat d’une méprise qu’il est toujours permis de relever. En outre, puisque les définitions nominale! sont arbitraires, non-seulement elles ne suppo- sent pas l’existence de leurs objets, elles n’en supposent même pas la possibilité, et peuvent s’appliquer aussi bien aux termes qui signifient une chose contradictoire, comme une chimère, qu’à ceux qui désignent un être véritable. Un des caractères de la définition réelle est, au contraire, d’envelopper la possibilité de son sujet; car il ne saurait être défini s’il n’a une essence propre, laquelle ne peut être connue par l’en- tendement, qu’autant qu’elle n’implique aucune contradiction. Que si le principe de la possibilité nous échappe, si nous ne connaissons de la chose que les accidents ou quelques effets, comme le bruit ou la lumière qui accompagne la foudre. la définition se réduit à indiquer certaines pro- priétés qui conviennent au sujet; elle facilite l’application du terme qui le désigne; mais c’est tout; elle est réelle en apparence, et au fond purement nominale. On a quelquefois demandé si la définition de choses ne rentrerait pas dans la définition de mots, ou réciproquement. Pour qui saisit bien le caractère de l’une et de l’autre, il est manifeste qu’une semblable réduction n’est pas fondée, à moins qu’on ne veuille ne tenir nul compte du langage, ou bien ne voir dans la pensée qu’un système frivole de signes arbitraires. Il est vrai de dire cependant que les définitions réelles peuvent aussi, à certains égards, être regardées comme nominales, dans les cas où celui qui les considère ignorait à la fois le nom et la nature de la chose définie. Par exemple, quand un terme nouveau est appliqué à un objet nouveau, comme une nouvelle substance, une espèce animale in- connue, un phénomène inaperçu, on ne saurait évidemment définir la nature de cette substance, de cette espèce, de ce phénomène, sans déter- miner par là même la signification du mot ar- bitrairement choisi pour les désigner. Voyons maintenant comment procède l’esprit dans les définitions. Soit l’homme à définir. La nature humaine comprend plusieurs élé- ments essentiels, comme l’être, l’organisation, le sentiment ; la pensée. Mais chacun de ces élé- ments pris à part la dépasse, c’est-à-dire se retrouve dans des choses différentes de l’huma- nité. L’être se retrouve dans tout ce qui existe ; l’organisation dans les plantes; le sentiment dans les animaux; la pensée en Dieu. Je n’aurai donc pas défini l’homme, en lui attribuant ou la pensée, ou le sentiment^ ou la vie organique, ou simplement l’existence. Cette attribution in- complète ne suffira pas pour donner une idée de ce qui est, et même elle exposera à le confondre avec ce dont il diffère. Si je veux le caractériser pleinement, je dois chercher une formule qui non-seulement con- vienne à sa nature, mais qui n’exprime qu’elle, qui y soit tellement propre qu’elle ne puisse s’appliquer à aucune autre espèce que l’huma- nité. Or, il est facile de voir que cette formule adé- quate ne peut être que l’expression synthétique de tous les attributs humains qui se déterminent l’un l’autre en se combinant, et qui tous réunis donnent la représentation exacte de notre nature commune. Le sentiment, la vie organique et la raison doivenl donc également figurer dans la défini- tion de l’homme. 11 est un être organisé, sensi- ble et raisonnable. Mais la forme do celte définition peut aisé- ment être simplifiée. Tous les objets de la pei forment une série dont chaque ternie est corn-