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plausibles que le verbe a pour fonction d’ex-

firimer l’existence, qu’il est le vrai substantif, que es noms, au contraire, ne traduisent que des notions de qualités ; et les prépositions celle des rapports qui existait entre elles et la substance. M. Charma a aussi donné quelques articles à la première édition de ce dictionnaire. E. C.

CHARMIDAS OU CHARMADAS, philosophe de la nouvelle Académie, disciple de Clitomaque, et lié d’amitié avec Philon, vivait dans le der­nier siècle avant l’ère chrétienne. Cicéron (Tuscul., liv. I, ch. xxiv ; de VOrat., liv. II, ch. lxxxviii), Quintilien (Inst. orat., liv. XI, ch. ii), Pline (Hist. nat., liv. VII, ch. xxiv), louent la mémoire remarquable dont il était doué. Quelques éditeurs l’ont confondu avec Car­néade.

CHARMIDÉS, dont Platon a donné le nom à un de ses dialogues, était fils de Glaucon et oncle maternel de Platon. Après avoir dissipé les biens considérables que son père lui avait laissés, il se rangea parmi les disciples de Socrate, dont les conseils le portèrent à s’occuper des affaires pu­bliques. Il fut un des dix tyrans que Lysandre établit dans le Pirée pour gouverner conjointe­ment avec les trente de la ville, et périt dans le premier combat que livrèrent les exilés comman­dés par Thrasybule. Xénophon parle de Charmidès dans plusieurs de ses ouvrages, entre autres dans le Banquet.X.

CHARONDAS, célèbre législateur, placé à tort par quelques historiens, entre autres Diogène Laërce (liv. VIII, ch. xvi) et Jamblique (Vila Pythag., chap. vu), au nombre des disciples de Pythagore, était natif de Catane, et florissait vers l’an 650 av. J. C. Aristote, qui parle de Charon­das en divers passages de la Politique (liv. II, ch. ix), nous apprend qu’il appartenait à la classe moyenne, et qu’il avait donné des lois, non-seu­lement à Catane sa patrie, mais à toutes les co­lonies fondées par la ville de Chalcis en Italie et en Sicile. Ces lois étaient en vers et destinées à être chantées. Elles étaient conçues avec beau­coup de sagesse, et elles ont dû exercer la plus salutaire influence sur toute la partie méridio­nale de l’Italie.

Consultez Cicéron, de Legibus, lib. II, ch. vi ; Epist. ad Allie., lib. VI, ep. i ; Diodore de Sicile, liv. XII ; Stobée, Serm. 145 ; SainteCroix, Mémoires deVAcad. des inscript, et belleslettres, t. XLII ; Heyne, Opuscula Academ., in-8, t. II, Goëttingue, 1786.X.

CHARRON. Il est sans contredit un de ceux qui ont le plus contribué à éveiller, en France, au commencement du xvii’siècle, l’esprit de cri­tique et de libre examen, dont le scepticisme n’est que le premier et plus grossier essai. Avec des qualités beaucoup moins brillantes que Mon­taigne, dont il fut l’ami et le disciple ; avec moins de force et de fécondité dans la pensée, moins de verve et d’originalité dans le style, il exerça peut-être sur les esprits un ascendant plus con­sidérable, grâce à la méthode avec laquelle il sut présenter des idées d’emprunt, grâce au cadre élégant dans lequel il réunit et condensa tout le contenu des immortels Essais, grâce aussi à la hardiesse, ou peut-être à l’inexperience avec la­quelle il en laisse voir toutes les conséquences. Les éditions de son traité de la Sagesse se succé­dèrent avec une étonnante rapidité, et jusqu’à l’avénement d’une philosophie plus élevée et plus sérieuse, de ce même cartésianisme, si fré­quemment accusé de nos jours d’avoir semé par­tout l’in’Tédulité et le doute, il fut à peu près le seul précepteur des gens du monde, et faisait les délices des classes éclairées de la société. A ce titre, il doit occuper ici une place plus impor­tante qu’il ne semble mériter par ses œuvres et sa valeur personnelle.

Pierre Charron, ou plutôt Le Charron, était fils d’un libraire qui avait vingt-cinq eni’ants. Il na­quit à Paris en 1541, et y fit ses premières étu­des. Destiné par son père à la carrière du bar­reau, il étudia le droit à Orléans d’abord, puis à Bourges, où il fut admis au grade de docteur. Il revint alors ; à Paris, se fit recevoir avocat au Parlement, et conserva cette profession pendant cinq ou six ans ; mais, voyant qu’il y obtenait peu de succès, il embrassa l’état ecclésiastique et se fit en peu de temps une grande réputation comme prédicateur. Il charma, par son élo­quence, Arnaud de Pontac, évêque de Bazas, qui l’emmena avec lui dans son diocèse. Il fut suc­cessivement chanoine théologal de Bazas, d’Acqs, de Lectoure, d’Agen, de Cahors et de Condom. La reine Marguerite le nomma son prédicateur ordinaire, et il prêcha plusieurs fois devant Henri IV, qui témoigna, dit-on, un grand plaisir à l’entendre. Après dix-sept ans d’absence, en 1585, il revint à Paris pour accomplir le vœu qu’il avait fait d’entrer dans un monastère de chartreux ; mais les chartreux le repoussèrent sous prétexte qu’il était trop avancé en âge. Ayant essuyé le même refus de la part de quel­ques autres ordres religieux, il retourna à la vie de prédicateur, se rendit d’abord à Agen, puis à Bordeaux, où la rencontre d’un personnage cé­lèbre donna à ses idées une tout autre direction. Les relations d’amitié qui ont existé entre Char­ron et Montaigne ne peuvent pas être l’objet d’un doute. Montaigne, n’ayant pas d’enfants, permit à Charron, par son testament, de porter les armes de sa famille. A son tour Charron institua son légataire universel un sieur de Camin, beaufrère de Montaigne. Le premier ouvrage publié par notre chanoine a cependant un tout autre ca­ractère que celui qui a fait sa réputation d’écri­vain. Il a pour titre les Trois Vérités, parce qu’il se partage en trois livres, dont le premier est consacré à prouver, contre les athées, l’exi­stence de Dieu, et à poser les bases de la reli­gion en général ; dans le second on établit, contre les païens, les juifs et les mahométans, que le christianisme est la vraie religion ; le troisième, dirigé contre les protestants, a pour but de mon­trer qu’il n’y a de salut que dans l’Église catho­lique. Ce traité, aussi orthodoxe pour le fond que régulier dans la forme, attira en même temps à Charron les attaques de Duplessis-Mornay et. la faveur d’Ébrard de Saint-Sulpice, évêque de Cahors. Celui-ci le nomma son grand vicaire et chanoine théologal de son église. En 1595, Char­ron fut député, par le même diocèse, à l’assem­blée générale au clergé, laquelle, à son tour, le choisit pour son premier secrétaire. En 1600 et 1601, il ut paraître à Bordeaux, presque en même temps, deux ouvrages de nature bien différente : son célèbre traité de la Sagesse, dont nous allons tout à l’heure donner une idée, et ses Discours chrestiens, non moins irréprochables d’orthodoxie que son traité des Trois Vérités. Auquel de ces deux ouvrages pouvons-nous appliquer ces pa­roles (de la Sagesse, liv. I, ch. i) : « Ne vous arrestez pas là, ce n’est pas luy, c’est tout un autre, vous ne le cognoistriez pas ? » De retour à Paris en 1J03, Charron y mourut subitement, dans la rue, d’une attaque d’apoplexie, le 16 novembre de la même année, au moment où il faisait im­primer une seconde édition de son livre c/e la Sa­gesse. Le recteur de l’Université de Paris, la Sorbonne, le Parlement et même le Châtelet s’op­posèrent à cette réimpression. Les premières feuilles en furent saisies jusqu’à trois fois et dé­noncées à la cour. Enfin, grâce au présidentJeannin,