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voir gré d’avoir tenté de réunir et d’éclaircir l’une par l’autre la science de l’âme, et celle des corps, sans subordonner la première à la se­conde. Mais il a été tellement dépassé depuis dans cette voie, en Angleterre et en France, qu’on ne peut tirer grand profit de ces essais où la physiologie est contestable, et la psychologie superficielle. E. C.


ABICHT (Jean-Henri), né en 1762 à Volkstedt, professeur de philosophie à Erlangen, mort à Wilna en 1804, embrassa d’abord le système de Kant et les idées de Reinhold. Plus tara il voulut se frayer lui-même une route indépendante, et entreprit de donner une direction nouvelle à la philosophie ; mais cette tentative eut peu de succès : il ne parvint guère qu’à former une nomen­clature aride, incapable de déguiser l’absence de conceptions originales. Il composa un grand nom­bre d’ouvrages dont il suffit de mentionner les principaux : Essai d’une recherche critique sur la volonté, in-8, Francfort, 1788 ; Essai d’une métaphysique du plaisir, in-8, Leipzig, 1789 ; Nouveau système de morale, in-8, ib., 1790 ; Philosophie de la connaissance, in-8, Bayreuth, 1791 ; Nouveau système de droit naturel tiré de la nature humaine, in-8, ib., 1792 ; Lettres cri­tiques sur la possibilité d’une véritable science de la morale, de la théologie, du droit naturel, etc., in-8, Nuremberg, 1793, · Système de la phi­losophie élémentaire, in-8, Erlangen, 1795 ; la Logique perfectionnée, ou Science de la vérité, in-8, Fürth, 1802 ; Anthropologie psychologique, Erlangen, 1801 ; Encyclopédie de la philosophie, Francfort, in-8, 1804.


ABSOLU (de absolvere, accomplir ou délivrer). Ce qui ne suppose rien au-dessus de soi ; ce qui, dans la pensée comme dans la réalité, ne dépend d’aucune autre chose et porte en soi-même sa raison d’être. L’absolu, tel qu’il faut l’entendre en philosophie, est donc le contraire du relatif et du conditionnel. Cependant, c’est par le der­nier terme de cette antithèse que nous nous éle­vons à la conception du premier ; car, si nous n’avions aucune idée des conditions imposées à toute existence contingente et finie, si, avant tout, nous n’avions pas conscience de notre propre dé­pendance, nous ne songerions pas à une condition suprême, à une première raison des choses, en un mot, à l’absolu. Toutes les questions dont s’occupe la philosophie sont des questions rela­tives à l’absolu et nous représentent les divers points de vue sous lesquels cette idée peut être conçue. En effet, voulons-nous savoir d’abord si l’idée de l’absolu existe dans notre esprit et si elle est réellement distincte des autres éléments de l’intelligence, nous aurons soulevé le problème fondamental de la psychologie, celui de l’origine des idées ou de la distinction qu’il faut établir entre la raison et les autres facultés. De l’idée passons-nous à la vérité absolue, cherchons-nous l’accord de la vérité et de la raison, nous aurons devant nous le problème sur lequel repose toute la logique. On sait que la morale doit nous faire connaître l’absolu dans le bien, ou la règle sou­veraine de nos actions ; la métaphysique, l’absolu dans l’être, ou la condition suprême de toute existence ; enfin, sans la manifestation de l’absolu dans la forme, nous n’aurions aucune idée ar­rêtée sur le beau ; et la philosophie des beaux-arts serait impossible. Mais aucun de ces divers aspects sous lesquels notre intelligence bornée est obligée de se représenter successivement l’ab­solu ne le renferme tout entier et ne peut en être l’expression dernière ; il faut donc qu’ils soient tous réunis, ou plutôt confondus, dans une exis­tence unique, source suprême de la vérité et de la pensée, être souverain, type éternel du bien et du beau. Alors seulement nous connaîtrons l’ab­solu, non plus comme une abstraction, mais dans sa réalité sublime ; nous aurons l’idée de Dieu, sur laquelle reposent toutes les recherches de la théodicée. De là résulte évidemment que le sujet qui nous occupe ne saurait être considéré comme une question a part ; car, pour le développer sous toutes ses faces, il ne faudrait rien moins que tout un système ou toute la science philosophique. Il n’est pas plus possible d’exposer ici les diverses opinions auxquelles il a donné lieu, ces opinions n’étant pas autre chose, dans leur succession chronologique, que l’histoire entière de la philo­sophie. Voy. Particulièrement les articles Principe, Raison, Idée.


ABSTINENCE (de abstineo, άπέχομαι, se tenir éloigné). Elle consiste à s’imposer volontairement, dans un but moral ou religieux, la privation de certaines choses dont la nature, principalement la nature physique, nous fait un besoin. L’absti­nence est recommandée également par le stoï­cisme et par le christianisme, mais dans un but et d’après des principes tout différents. L’absti­nence stoïcienne, comprise dans le précepte d’Épictète : Άνέχου καί άπέχου : « Supporte et abtiens-toi, » tendait à rendre l’âme indépendante de la nature et à lui donner l’entière possession d’elle-même. Elle exaltait outre mesure le senti­ment de la grandeur et de l’individualité humaine L’abstinence chrétienne, au contraire, se fonde sur le principe de l’humilité. Elle veut que l’homme expie ici-bas le mal qui est en lui par sa propre faute ou par celle de ses ancêtres, et qu’il s’abdique en quelque sorte lui-même pour renaî­tre ailleurs. Enfin, l’abstinence est le principal caractère de la morale ascétique qui regarde la vie comme une déchéance, la société comme un séjour dangereux pour l’âme, et la nature comme une ennemie. Voy. Ascétique et Stoïcisme.


ABSTRACTION (de abstrahere, tirer de). Dugald-Stewart, dans ses Esquisses de philosophie morale, définit l’abstraction : « Cette opération intime qui consiste à diviser les composés qui nous sont offerts, afin de simplifier l’objet de notre étude. » L’abstraction n’est donc pas une division réelle que nous accomplissons dans les choses en en séparant les parties, comme cela a lieu dans l’analyse chimique ; c’est une division purement intellectuelle qui ne s’applique qu’aux idées que nous avons des choses et en discerne les éléments.

Dans l’ordre moral, comme dans l’ordre phy­sique, la nature ne nous offre que des composés, des choses concrètes, et les premières idées que reçoit notre esprit de ces choses concrètes sont concrètes elles-mêmes, c’est-à-dire nous repré­sentent les objets dans l’état de composition où ils nous apparaissent. Un corps coloré, chaud, odorant, sapide, sonore, etc., affecte à la fois tous mes sens par toutes sortes de propriétés ; si je le considère tel qu’il est avec toutes ces qualités réunies, l’idée que j’en ai est une idée concrète, parce qu’elle représente la somme de propriétés inhérentes au même sujet. Mais je puis aussi, dé­tachant mon attention de l’ensemble de ces qua­lités, la concentrer sur une seule, telle que la couleur, ou le volume, ou la forme, et l’idée que je conçois alors de la forme de ce corps est une idée abstraite, parce qu’elle me représente une des qualités de ce corps, séparée des autres aux­quelles elle est unie dans la réalité. C’est ainsi que Laromiguière appelait les organes des sens » des machines à abstraction ». parce que l’œil abstrait en effet la couleur, et l’ouïe la sonorité d’un corps de la masse des propriétés qu’il pos­sède, pour nous la faire sentir séparément. De même je puis avoir, d’une part, l’idée concrète