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nature et de tous ses éléments secondaires. Voy. Faculté

CAPELLA (Marcianus Mineus Felix), Afri­cain d’origine, écrivait, selon l’opinion la plus générale, en 474 ou 490 après Jésus-Christ. Sous le titre de Satyricon et de Satira, il a composé en latin une espèce d’encyclopédie ; mélange de prose et de vers, divisée en sept livres que pré­cède un petit roman en deux livres intitulé des Noces de Mercure et de Philologie. Les vues que Capella expose sur la grammaire, la dia­lectique et tous les arts libéraux en général n’ont par elles-mêmes que peu de valeur, et sont em­pruntées à Varron, à Pline, et aux autres écri­vains de l’antiquité ; mais, considéré au point de vue historique, le Satyricon n’est pas dénué d’importance. Pendant que la plupart des monu­ments littéraires de la Grèce et de Rome se trouvaient perdus ou oubliés, il échappa au nau­frage qui submergeait tant ae chefs-d’œuvre, et servit ensuite à renouer les traditions de la cul­ture antique. Vers l’année 534, un rhéteur nommé Félix, qui enseignait, dans l’Auvergne, en cor­rigea un exemplaire sur lequel on fit sans doute de nouvelles copies : car, au temps de Grégoire de Tours et d’après son propre témoignage, l’ou­vrage était employé dans les cloîtres pour l’in­struction des jeunes élèves [Hist. littéraire de France, t. III, p. 21 et 22). Au xe siècle, Capella jouissait d’une telle autorité, qu’on cite trois commentaires dont il a été l’objet, ceux de l’é­vêque Duncan, de Remi d’Auxerre et de Reginon [Ib., t. VI, p. 120, 153, 549). Au commencement du siècle suivant, le moine Notker traduisit en langue allemande les Noces de Mercure et de Philologie, et il n’est pas douteux que le Saty­ricon entier ne continuât d’être très-répandu dans les écoles. L’influence de Capella s’est ainsi maintenue jusqu’à l’époque où les ouvrages d’A­ristote et des Arabes se répandirent en Occident ; il fit place alors à des modèles d’un génie supé­rieur au sien et plus dignes d’être étudiés.

L’édition la plus connue de Capella est sans contredit celle que Grotius entreprit à l’âge de quatorze ans, et qu’il publia l’année suivante, 1599, Leyde, in-8. Cependant, de l’aveu dejuges très-compétents en cette matière, elle est fort insuffisante ; il faut lui préférer de beaucoup celle que Fréd. Kopp avait préparée, et qui a paru après sa mort, in-4, Francfort, 1836. M. Graff a publié à Berlin, en 1836, in-8, la traduction de Notker indiquée plus haut.C. J.

CARDAILLAC (Jean-Jacques-Séverin de), né le 16 juillet 1766, au château de Lotraine ? dans le département au Lot, fut élevé au college de Sorèze et acheva ses études au grand séminaire de Saint-Sulpice. Son père, le marquis de Car­daillac, le destinait à l’état ecclésiastique. Sans avoir encore reçu les ordres, il avait le titre d’aumônier de la reine lorsque éclata la révolu­tion de 1789. Emprisonné pendant la Terreur, il fut délivré par le 9 thermidor et entra dans l’Université sous l’Empire. Il professa la philo­sophie au collège de Montauban, au collège de Bourbon et à la Faculté des lettres de Paris ? où il occupa pendant quelque temps, en qualité de suppléant, la chaire de Laromiguière. 11 mourut inspecteur de l’Académie de Paris, le 22 juillet 1845.

Par sa première éducation il est évidemment l’élève des philosophes du xviii* siècle ; il leur emprunte quelques-unes de leurs idées, et sur­tout leur méthode prudente ? et leur langage précis. Mais Condillac et les idéologues ne sont pas ses seuls maîtres : il a suivi d’abord La­romiguière, et avec lui il est d’accord pour restituer à l’âme une activité propre, dont le système de la sensation transformée l’avait dé­pouillée ; puis il a entendu, avec un sentiment mélangé de satisfaction et d’inquiétude, les leçons de Royer-Collard et de Cousin, et même il a parfois jete un regard sur ces doctrines alle­mandes qui commencent à faire du bruit, et entrevu la critique de la raison pure de Kant. Tous ces éléments réunis sans confusion, savam­ment agencés par un esprit très-délié, qui ne les accepte jamais sans le contrôle d’une obser­vation sincère, ont formé un système de tran­sition, parfois superficiel, toujours clair, et plus défectueux par les vérités qu’il néglige que par les erreurs qu’il admet. Il se demande lui-même dans quelle école il doit se ranger : Est-il empiriste, sensualiste, rationaliste ou éclectique ? Il ne lui convient pas de prendre parti entre les écoles, et il proteste contre les classifications ar­bitraires qui imposent, contre son gré, à un phi­losophe la solidarité d’une école répudiée par lui, et lui défend d’être indépendant et de pen­ser pour son compte. La philosophie, dit-il, est personnelle ; chacun se fait la sienne, et la seule vraie est celle qu’on trouve par sa propre ré­flexion. Aussi les Études élémentaires de philo­sophie n’ont satisfait pleinement aucune ecole : elles dépassent de beaucoup le niveau où le sen­sualisme prétend s’arrêter ; elles ne s’élèvent pas jusqu’au point où le spiritualisme pur essaye de se hausser. C’est une doctrine moyenne, par ellemême destinée à passer inaperçue, et plus re­marquable par le bon sens, la justesse des obser­vations et la clarté du raisonnement que par la profondeur et l’originalité des idées. Suivant de Cardaillac, il y a dans le moi trois forces irré­ductibles, le sentiment, la connaissance, et la volonté. Le sentiment est le fait fondamental ; non pas la cause des autres, mais la condition sans laquelle ils ne peuvent se produire. Il est en lui-même bien plus complexe que ne l’ont cru les disciples de Condillac : il enferme à la fois la sensation, qui nous met en rapport avec les corps ; le sentiment moral, par lequel l’homme communique avec ses semblables ; le sentiment des rapports, par lequel il compare entre eux et d’une manière tout immédiate diverses impres­sions ou diverses idées, et enfin le sens intime, qui lui permet de se connaître et de juger des autres par lui-même. Ce qui distingue cette faculté, composée de pouvoirs différents, c’est que ses formes multiples sont toutes des manières de sentir, c’est-à-dire de communiquer directement avec la réalité, d’être averti de sa présence. Cette impression n’est pas encore la connaissance : elle est même souvent en rapport opposé avec elle, d’autant plus vive que 1 autre est peu obscure ; mais elle est la seule matière sur laquelle l’in­telligence puisse s’exercer, la source d’où elle fera jaillir toutes les idées et tous les jugements. La raison elle-même, dont on parle comme d’une puissance mystérieuse, est simplement la vue des vérités générales engagées dans les faits particuliers ; elle domine, elle dirige et féconde toutes les autres facultés, mais elle dépend de l’expérience, et n’existerait pas sans elle. Il est vrai pourtant qu’elle conçoit des rapports néces­saires, alors que dans la réalité saisie par l’ob­servation tout est particulier et contingent. Cette nécessité est son œuvre propre, c’est elle qui en vertu de sa constitution l’impose aux choses j « La seule réponse, dit-il, qu’on puisse faire à cette partie de la question, savoir quelle est la cause qui fait que nous reconnaissons à certaines vérités ce caractère d'universelles, absolues, néces­saires, qui les distingue des vérités contingentes, est que nous les reconnaissons et affirmons comme telles, parce que la raison, qui nous est donnée pour voir