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origine de nos idées du sublime et du beau a été traduite en français par E. Lagentie de Lavaïsse, in-8, Paris, 1803.C. B.

BURLAMAQUI (Jean-Jacques) naquit en 1694 à Genève, où il occupa longtemps une chaire de droit naturel j mais le mauvais état de sa santé l’ayant oblige à renoncer à l’enseignement, il devint membre du conseil intime de la répu­blique, qualité qu’il conserva jusqu’à sa mort, arrivée en 1748. Adoptant les vues libérales de Barbeyrac avec lequel il était lié d’amitié, Bur­lamaqui fit faire de grands pas à la science du droit naturel et ne contribua pas peu à la répan­dre. Mais il avait le tort, comme la plupart de ses prédécesseurs, de ne pas la distinguer assez de la morale proprement dite. Loin de penser, comme Hobbes, que la société civile soit tout le contraire de l’état de nature^ il admettait une société naturelle dont la société civile n’est que le perfectionnement. Le but de celle-ci est d’as­surer à un certain nombre d’hommes réunis sous la dépendance d’une autorité commune le bon­heur auquel ils aspirent naturellement, et que l’ordre et les lois peuvent seuls leur procurer. Afin que ce but soit réellement atteint et que l’autorité ne puisse pas faillir à l’intérêt général pour lequel elle est instituée, des garanties sont nécessaires de la part du souverain au profit du peuple, et ces garanties sont la condition indis­pensable d’une solide liberté. C’est à peu près sur ce principe que reposent toutes les consti­tutions modernes. Le souverain ne peut avoir au-dessus de lui aucun autre pouvoir pour le juger et lui infliger un châtiment, autrement il perdrait son caractère le plus essentiel : c’est ce que nous appelons aujourd’hui être inviolable et irresponsable. Cependant Burlamaqui accorde au peuple tout entier le droit de reprendre ou de déplacer l’autorité souveraine ; mais il préfère aux royautés électives les royautés héréditaires.

On a de Burlamaqui les ouvrages suivants : Principes du droit naturel, in-4, Genève, 1747 et souvent réimprimé ; Principes du droit po­litique, in-4, Genève, 1751 ; Principes du droit naturel et politique, in-4, Genève. 1763, et 3 vol. in-12, 1764 : ce dernier ouvrage n est que la réu­nion des deux précédents ; Éléments du droit naturel… ouvrage posthume d’après le vérita­ble manuscrit de l’auteur, in-8, Lausanne, 1774. Sous le titre de Principes du droit de la nature et des gens, de Félice a donné une édition com­plète des œuvres de Burlamaqui, accompagnée de beaucoup de notes, 8 vol. in-8, Iverdun, 1766, et Paris, 1791. Une autre édition en a été publiée par M. Dupin, 5 vol. in-8, Paris, 1820. Tous ces écrits se distinguent par la clarté et la précision et offrent un résumé substantiel de la science du droit naturel, au degré où elle était parvenue du temps de l’auteur.J. T.

BURLEIGH (Walter) ou Gauthier Bourlei, ec­clésiastique anglais, né à Oxford en 1275, mort en 1357, avait étudié sous Duns Scot et pris le grade de docteur à Paris. Il y professa avant de retourner en Angleterre, où il lut le précepteur d’Édouard III. Il avait été le condisciple d’Occam. Éprouva-t-il le besoin de se distinguer par quel­que différence systématique de son célèbre rival ? L’intérêt de sa réputation, qui fut grande aussi à cette époque, le poussait-il à chercher quelque nuance qui empêchât de confondre son école avec celle d’Occam ? Ou enfin obéit-il à des convictions sincères ? Quelle que soit la cause qui ait exercé sur lui de l’infiuence, il a développe, sur les uni­versaux, une opinion moins approfondie que celle d’Occam, et différente de celle de Duns Scot. 11 nous paraît s’être rapproché du réalisme conci­liateur de saint Thomas d’Aquin, qui reconnais­sait que les universaux, en tant qu’universaur, n’ont point de réalité dans la nature (non habent esse), mais qu’ils en ont, en tant qu’ils sont ren­fermés dans les objets individuels (secundum quod sunt individuata) ; aussi les historiens de la philosophie ne sont-ils point d’accord sur la place qu’ils lui assignent dans la grande contro­verse du moyen âge : Brucker et Tiedmann le regardent comme nominaliste ; Tennemann en fait un réaliste. Peut-être n’est-il pas impossible de concilier ces jugements contradictoires.

Dans un livre qu’il a composé sur les univer­saux, sous la forme d’un commentaire sur 17sagoge de Porphyre, Burleigh, reproduisant les ex­pressions mêmes de la traduction qu’en a donnée Boëce, annonce à l’avance l’intention de s’abste­nir de traiter la question dans le sens platonicien, et telle que Porphyre l’a posée. 11 n’examinera pas si les universaux sont corporels ou incorpo­rels ; il place cette question au delà de l’investi­gation qu’il se propose ; il se promet seulement de faire connaître les opinions des anciens philo­sophes, principalement celle des péripatéticiens sur la veritable nature des idées de genre et d’es­pèce. D’après cette entrée en matière, il est facile de voir que le problème ontologique ne sera pas abordé, et, dès que l’auteur se renferme dans le point de vue logique et dialectique, on doit s’at­tendre à ce que les conclusions, à son insu même, ne seront point complètement défavorables au no­minalisme, ou, du moins, qu’elles fourniront des armes contre ses adversaires. Aussi, au terme de ses efforts, Burleigh est-il nominaliste, en tant que regardant les universaux comme de purs noms, lorsqu’on les saisit dans leur conception abstraite, et réaliste en tant qu’il les considère comme des réalités dans leur union avec les ob­jets qu’ils modifient ; il est facile de voir qu’ici toute la dispute repose sur le sens que l’on donne au mot réalité.

Rixner, sans le déclarer exclusivement réaliste, incline cependant à le regarder plutôt comme tel, en se fondant sur le passage suivant, extrait ou résumé de son commentaire sur la Physique d’Aristote (tractat. 1, c. ii) : « Que le général n’existe pas seulement comme idée dans l’esprit, mais qu’il existe encore en réalité j que, par con­séquent,’il ne soit pas un pur idéal, mais qu’il soit quelque chose de réel, c’est ce que démon­trent les observations suivantes : a, puisque la nature n’a pas seulement pour but, dans ses créa­tions, leb individus, mais plus encore les espèces, et que, d’un autre côté, ce que propose la nature ne peut être que quelque cnose de réel, existant en soi et en dehors de l’idée, il suit que le gé­néral est quelque chose d’existant ; b, puisque les appétits naturels cherchent toujours et uni­quement le général ; comme on voit, par exem­ple, le désir de manger en général, ne pas con­voiter telle ou telle nourriture en particulier ; sur ce fondement, nous devons reconnaître que le général n’est pas seulement dans la pensée et dans l’idée, mais encore qu’il est en réalité ; c, en­fin, puisque les droits, traités, lois, ont tous pour objet le général, il suit encore nécessairement que le général doit être quelque chose de réel, car les commandements généraux doivent avoir une réalité objective et une force obligatoire. »

Tel est le point principal des travaux philoso­phiques de Walter Burleigh. Quant au reste de ses commentaires sur les diverses parties de la Logique, et sur la Physique d’Aristote, ils re­produisent, comme l’a fait le moyen âge tout en­tier, sans en avoir une complète intelligence, les travaux de ce grand philosophe. Peut-etre est-il juste de reconnaître que l’exposition de Burleigh a un certain degré de clarté qu’on ne trouve pas toujours