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etc., contenu dans un ouvrage plus général qui a pour titre : Selecta juris naturœ et nen­tium, in-8, Halle, 1704 ; Elementa philoso­phiae instrumentalis seu institutionum philo­sophice eclecticœ, t. I, in-8, Halle, 1703 ; 7e édit., 1719 ; Elementa philosophiae tlieoreticæ seu institutionum philosophiae eclecticœ, t. II, in-8, Halle, 1703 ; 6e édit., 1717 ; Elementa philosophiœpraclicœ seu institutionum philosophiœ eclecticce, t. III, in-8, Halle, 1703 ; 7e édit., 1717 ;

  • Theses de atheismo et superstitione, in-8, Iéna, 1717 ; trad. ail. du même ouvrage, in-8, 1723 ; trad. franç. avec des remarq. hist. et phil., in-8, Amsterdam et Leipzig, 1756 ; Analecta historice philosophiœ, in-8, Halle, 1706 ; 2e édit., 1724 ; introductio ad historiam philosophiœ Hebrxorum, in-8, Halle, 1702, réimprimé en 1721 ; Sapientia veterum, h. e. Dicta illus­triora septem Grœciœ sapientium explicata, in-4, Halle, 1699 ; De καβαρσει pythagorico-

{)lalonica, in-4, Halle, 1701, et réimprimé dans es Analecta, dont nous avons parlé plus haut ; Introductio in philosophiam stoicam, en tête des Œuvres d’Antonin (Marc-Aurèle), édition de Wolle, in-8, Leipzig, 1729 ; Exercitationes historico-philosophicœ, in-8, Halle, 1695-1696 ; Isagoge historico-theologica ad theologiam uni­versam, etc., 2 vol. in-4, Leipzig, 1727 ; Buddei dissertalionmn aliorumque scriptorum a se aut suis auspiciis editorum isagoge, in-8, Iéna, 1724, 3e édit. ; Réflexions sur la philosophie de Wolf, in 8, Frihourg, 1724 (ail.) ; —Modeste réponse aux observations de Wolf, in-8, Iéna, 1724 (ail.) ; Modeste démonstration pour prouver que les difficultés proposées par Buddeus subsistent, in-8, ib., 1724 (ail.).

BUFFIER (Claude) naquit en Pologne, de pa­rents français, en 1640. Encore enfant, il fut ra­mené en France et naturalisé Français. Il acheva ses études au collège de Rouen, tenu par les jé­suites, et entra dans leur compagnie à l’âge de dix-neuf ans. A la suite d’un démêlé avec l’arche­vêque de Rouen, il alla à Rome, et de Rome il revint à Paris, dans le collège des jésuites, où il passa une vie consacrée tout entière à l’étude et a l’enseignement. Il mourut en 1737. Il a com­posé un grand nombre d’ouvrages sur la philo­sophie^ sur l’éducation et la religion. La plupart ont été réunis par l’auteur en une collection à laquelle il a donné pour titre : Cours des sciences sur des principes nouveaux et simples, in-f°, Paris, 1732, et qui forme une véritable encyclo­pédie où l’intelligence et l’application des vérités scientifiques sont mises à la portée de tous les esprits.

Quoique Voltaire ait dit dans son Siècle de Louis XIV que le P. Buffier était le seul jésuite qui eût écrit quelque chose de raisonnable en phi­losophie, quoique Reid et Destutt de Tracy aient fait de lui de grands éloges, il est demeuré trop oublié et n’a pas encore obtenu la place qui lui est due dans l’histoire de la philosophie française.

Le P. Buffier, comme philosophe, relève à la fois de Descartes et de Locke. Un jésuite à demi cartésien au commencement du xviue siècle, c’est quelque chose de piquant et d’étrange pour qui­conque connaît l’histoire de la philosophie car­tésienne ? En effet, que n’avait pas entrepris contre cette philosophie l’ordre des jésuites ! Il avait provoqué des arrêts de proscription, il avait sus­cité un vrai commencement de persécution. Ce­pendant, quelques années plus tard, la compagnie approuve le P. Buffier, qui adopte la plupart de ces mêmes principes auxquels elle avait si vive­ment déclaré la guerre. Dans un changement aussi rapide il faut voir la victoire complète de la révolution cartésienne et la force triomphante de ses principes. Le P. Buffier est tout entier ani­mé de l’esprit philosophique nouveau ; il a com­plètement dépouillé ces formes de la scolastique pour lesquelles son ordre avait longtemps com­battu, et il fait bon marché des accidents absolus et des formes substantielles. Mais l’influence de Descartes se révèle plus encore par ce qui se trouve dans le Traité des vérités premières, que par ce qui ne s’y trouve pas. En effet, le P. Buf­fier adopte le critérium de l’évidence ; il suit la méthode de Descartes, il professe de l’estime pour le fameux « Je pense, donc je suis ; » il admet des idées innées au sens même où l’entend Des­cartes. Mais ; à côté de l’influence de Descartes, on reconnaît l’influence de Locke, dans la philoso­phie du P. Buffier. Il manifeste pour Locke la plus vive admiration ; comme lui, il restreint la philosophie dans les bornes d’une analyse de l’en­tendement humain· comme lui, il combat la preuve cartésienne de l’existence de Dieu par l’in­fini et confond l’infini avec l’indéfini. Mais, sur la question de l’origine des idées, le P. Buffier se sépare de Locke pour revenir à Descartes, et il soutient contre Locke l’existence de principes innés auxquels il donne le nom de vérités pre­mières, par des arguments qui contiennent en germe tous ceux que, depuis, a développés l’école ecossaise.

Après avoir signalé les deux grandes influences philosophiques qu’a subies le P. Buffier, nous al­lons exposer ce qu’il y a de plus original dans sa propre philosophie. Cette philosophie est contenue tout entière dans le Traité des vérités premières, et elle est résumée sous forme de dialogues dans les Éléments de Métaphysique mis à la portée de tout le monde.

  • a-t-il des vérités premières, c’est-à-dire des propositions qui n’aient pas besoin d’être prouvées, qui soient évidentes par elles-mêmes ? Rien n’est plus important qu’une pareille recherche, la pos­sibilité de la science depend de son résultat. Car, s’il n’est point de premières vérités, il n’en est point de secondes, ni de troisièmes, il n’en est d’aucun ordre et d’aucune nature. Or, selon le P. Buffier, il existe de telles vérités ; d’abord il en est qui découlent du sentiment de notre propre existence. Ainsi, cette vérité, que nous pensons, que nous existons, n’est-elle pas une vérité pre­mière, évidente par elle-même ? Mais si le sens intime est une source de vérités premières, il n’est pas la seule, comme quelques philosophes l’ont prétendu. A suivre le sentiment de ces phi­losophes, il n’y aurait rien d’évident que le fait de notre propre existence ; par conséquent nous ne pourrions être certains ni de l’existence de la matière, ni de l’existence de nos semblables. De telles conséquences sont extravagantes, donc le principe d’où elles découlent est lui-même extra­vagant, et il faut admettre l’existence d’une autre source de vérités premières. Ce raisonnement par l’absurde est le raisonnement favori du P. Buffier, et d’ordinaire il n’en emploie pas d’autre.

Quelle est cette autre source de vérités pre­mières ? C’est le sens commun, qu’il définit : « la disposition que la nature a mise dans tous les hommes pour leur faire porter, à tous, un juge­ment commun et uniforme sur des objets différents du sentiment intime de leur propre perception, jugement qui n’est point la conséquence d un jugement antérieur. ·> Il décrit ensuite, en dé­veloppant cette définition, les caractères auxquels, toujours, sans se tromper, on peut reconnaître ces vérités premières. Elles sont universelles, elles se manifestent chez quiconque est doué de raison. Celui qui ne les aurait pas en son esprit ne pourrait porter aucun jugement vrai et certain sur tout ce qui n’est pas sa propre existence.